L'automne dernier, l'annonce de la fin de la voile pour cause de maladie avait déjà suscité un tollé. Vague de souhaits de rétablissement et de témoignages de sympathie de la vie de Wilder. Combien plus la mort de Wilfried Erdmann touchera-t-elle les navigateurs qui, pour certains, ont découvert le sport grâce à lui, à ses livres, à ses conférences, à ses voyages ?
Comme peu d'autres avant ou après lui, cet aventurier a écrit l'histoire de la voile allemande pendant des décennies. Sans faste, sans grands sponsors, à sa manière silencieuse, intelligente, planifiée, réfléchie. Il a écrit des best-sellers, rempli des salles de conférence, fait exploser des stands d'exposition, toujours sans faire de vagues.
Sa dernière apparition fin septembre de l'année dernière au salon nautique Insa à Flensburg il a encore résisté au cancer, comme son prédécesseur français et son modèle, Benard Moitessier. Mais à la fin, qui est arrivée plus vite que prévu, la maladie à laquelle il avait résisté pendant des mois s'est révélée plus forte. Wilfried a vécu jusqu'à 83 ans.
Mais sa réputation, ses mérites et ses réalisations sont immortels. Aujourd'hui encore, son CV de navigateur reste inégalé, voire inaccessible, en Allemagne.
Son premier grand voyage, de 1966 à 1968, sur une quille de seulement 7 mètres de long, toujours par étapes à l'époque, a déjà fait sensation - au point d'être parfois contesté au lieu d'être célébré sans réserve. Ce n'était pourtant que le premier d'une série d'exploits de pionniers, tous plus grands les uns que les autres, qui allaient suivre.
Deux fois ne lui suffisaient pas pour prendre la mer seul. Ce devaient être des voyages sans escale. Le 8 septembre 1984, Wilfried s'est élancé de Kiel pour un tour du monde légendaire, immortalisé plus tard dans le livre "La route magique". Le bateau qui le portait est devenu une sorte de marque de fabrique : le sloop en aluminium de 35 pieds "Kathena nui", construit par Dübbel & Jesse.
C'est également avec elle qu'il a disputé son deuxième solo non-stop, cette fois-ci contre les vents dominants. Ce fut une croisière extrême qui exigea encore une fois de lui, alors âgé de 60 ans, qu'il fasse tout ce qu'il pouvait. Il a voyagé pendant près d'un an de Cuxhaven à Cuxhaven, soit 343 longues journées.
Pour la première fois, ses fans, qui se comptent par centaines de milliers, ont pu suivre sa course sur Internet. Sur son bateau toujours aussi peu aménagé, qui ne disposait ni de machine encastrée ni de toilettes, Wilfried avait embarqué un générateur d'essence et un fax. De cette manière, il tenait sa femme Astrid au courant, pour autant que la météo le permette.
Sa première croisière sans escale d'ouest en est était déjà restée seule pendant plus de trois décennies ; ce n'est qu'en 2019 que Susanne Huber-Curphey a réussi à faire de même avec Wilfried. Boris Herrmann lui a emboîté le pas lors du Vendée Globe 2020-21, même si ce n'était qu'en 80 jours au lieu de 271, et sur un bateau presque deux fois plus grand et quatre fois plus rapide.
Le solo est-ouest "à l'envers", comme l'a dit Wilfried lui-même, reste cependant inégalé à ce jour. Il n'y a qu'une douzaine de skippers dans le monde qui ont tenté et réussi à faire les deux sans escale. Cela suffit à souligner la classe exceptionnelle de Wilfried Erdmann.
Presque aussi remarquable que ses voyages et sa persévérance était son don pour transmettre ce qu'il avait vécu, que ce soit dans ses journaux de bord, ses croquis ou plus tard dans ses livres vendus à des milliers d'exemplaires. Avec eux, il se construisait une scène et un pont pour les lecteurs. Il les emmenait avec lui à sa manière inimitable, tantôt de manière concise, sobre, presque abrupte en racontant et en observant, tantôt de manière élégiaque. Et pas seulement pour un grand voyage ! Rétrospectivement, ses croisières sur la mer du Nord et la Baltique, avec des bateaux de Dehler ou de Hanse, avec des Zugvogel ou des Hansajolle, semblent tout aussi précieuses.
Son dernier ouvrage vient seulement de paraître ces jours-ci chez Delius Klasing : "Ingeborg et la mer", un hommage tardif à sa belle-mère Ingeborg von Heister, qui a elle-même brillé par ses exploits sur l'Atlantique. Avec le recul, il apparaît comme le manifeste d'un héros de la voile qui, au-dessus de sa propre grandeur, ne perdait jamais de vue avec admiration tous les autres aventuriers de la mer.
Tu vas tellement nous manquer, Wilfried !