de Heide Wilts
Après huit jours de tempêtes hurlantes, le temps se calme enfin un peu et nous partons avec un nouvel équipage, destination Ventisqueros. Ce sont des glaciers nichés dans les montagnes de la Cordillère Darwin et accessibles par de profonds fjords. Nous naviguons contre le vent, tantôt sous le plus beau soleil, tantôt sous une pluie glaciale.
Soit on transpire, soit on a froid".
Herbert, un camarade d'équipage, se plaint et enfile son pantalon thermique. Pour changer, des rouleaux de vent se précipitent vers nous. Des lambeaux de nuages noirs pendent jusqu'à la surface de l'eau.
Les montagnes et les rives se dissolvent dans un furioso gris foncé. Le "Freydis" ne fait plus un mille contre lui. Lorsque la fureur s'apaise, nous nous battons pour nous mettre à l'abri d'une langue de terre en saillie.
Dans la baie de Yendegaia, nous jetons l'ancre devant le plus grand glacier de la cordillère Darwin. Entre les sommets, il brille d'un blanc aveuglant. Avec l'annexe, nous traversons des rivières glaciaires vertes et tumultueuses, pataugeons dans des ruisseaux glacés dans un lit d'éboulis, marchons sur des prairies et des îles fluviales, escaladons des montagnes. Le glacier semble toujours si proche et pourtant bien trop loin pour que nous puissions l'atteindre en une journée de marche.
Tout autour, les pentes sont parsemées de cadavres d'arbres à moitié carbonisés. Des brûlis pour de nouveaux pâturages pour les bovins et les moutons des estancias ? "Ou est-ce la foudre ?" pense Albert, altruiste passionné de voile. Il croit encore à un rapport raisonnable de l'homme avec la nature. Mais en Terre de Feu, il n'y a pas d'orage, pas de foudre et donc pas d'excuse pour la terre brûlée.
Ce sont des taches de honte.
Le soleil brille sans pitié à travers le trou de la couche d'ozone : coup de soleil en Terre de Feu. Eckart et Herbert enduisent leur calvitie de crème. "Si nous mettons des toiles solaires", craignent-ils, "personne ne croira sur les photos que nous sommes dans le sud froid et dans la région la plus orageuse de la planète".
Les bras du fjord se terminent tous sans exception devant d'imposantes falaises glaciaires. Des craquements, des grondements, des bruits et des claquements s'y produisent, des morceaux de glace s'y détachent constamment. Eckart, la cinquantaine bien entrainée, qui, à la surprise générale, commence chaque jour sa toilette matinale sur le "Freydis" par une douche d'eau de mer, manque de piquer une crise.
Il escalade avec arrogance de petits icebergs, saute dans l'eau glacée ou nage dans la bouillie de glace, dans laquelle même les lions de mer ne s'aventurent pas.
Un hêtre à feuilles persistantes, minuscules et dures, est décoré de boules de Noël, de poinsettias et d'un ange en or bruyant par notre "vieux" compagnon de navigation Holger et sa femme Anne, fraîchement mariée - un magnifique sapin de Noël ! Notre "Freydis" n'avait encore jamais vu ça. Enflammé comme un bœuf de Pentecôte, il traverse les fjords, défile devant de gigantesques tapis de glaciers et pose pour les photographes de bord affairés. Eckart joue des chants de Noël à l'harmonica et nous chantons les paroles familières. Un Noël vraiment sentimental : une chute d'eau gargouille sur la rive, des claquements bruyants comme des saluts proviennent du glacier.
Feliz navidad ! La cloche du bateau prend le relais de la cloche de Noël. Pour la distribution des cadeaux, nous pouvons enfin déballer ou lire nos paquets et nos lettres de la maison. Les petits cadeaux amusants que l'équipage s'offre entre eux - petits souvenirs de la Terre de Feu fabriqués en bois, photos d'anciennes croisières communes, livres, friandises - reçoivent bien sûr aussi la reconnaissance qui leur est due. Même la nature nous réserve des cadeaux, le beau temps et le menu de Noël accroché aux rochers : De magnifiques spécimens de moules qu'il nous suffit de cueillir. Accompagnées d'une sauce à l'ail, de pain fraîchement cuit et de vin blanc, elles sont un délice à peine égalé, un vrai régal du feu.