Alexander Worms
· 25.07.2023
La convention Solas, un accord international pour la sauvegarde de la vie humaine en mer, stipule clairement que les navires de mer doivent tenir un journal de bord. Les États membres ont certes la possibilité d'exempter les bateaux de plaisance de cette obligation dans le cadre de leur législation nationale, mais l'Allemagne n'a pas fait usage de cette possibilité. Au contraire, la loi sur la sécurité maritime de 1998 stipule clairement que les navires battant pavillon allemand, y compris les bateaux de plaisance, doivent tenir des registres appropriés pour documenter le déroulement d'un voyage.
"Afin de clarifier qui est exactement tenu d'enregistrer, la notion d''usager habituel' s'est établie dans la pratique", explique l'avocat Dr Heyko Wychodil, spécialisé dans le droit de la navigation de plaisance. De cette manière, les différences entre les types de bateaux et les zones de navigation sont prises en compte.
Les navigateurs au laser, par exemple, n'inscrivent généralement rien dans leur journal de bord après une régate dans le fjord de Kiel. En revanche, le skipper d'un yacht de dix mètres qui met le cap sur Bagenkop, à 25 milles nautiques de Kiel, consignera bel et bien sa croisière. C'est une pratique courante et raisonnable.
L'exemple suivant montre à quel point des enregistrements réguliers peuvent devenir importants sans que l'on s'en rende compte. En Méditerranée, deux yachts entrent en collision au large de la Sicile. Les deux subissent des dommages. Les deux capitaines affirment plus tard qu'ils naviguaient à la machine et qu'ils avaient les feux nécessaires. Le skipper, qui a dû s'écarter de la route, déclare toutefois que l'autre bateau n'était pas éclairé et qu'il était donc probablement au mouillage.
Dans ce cas, le mouilleur aurait certainement été en grande partie responsable de la collision. Mais l'avocat de ce dernier objecte que tout était conforme aux règles chez son client. Au contraire, il n'y aurait pas eu de vigie à bord du bateau de la partie adverse.
C'est une question de témoignage contre témoignage. Les deux bateaux tenaient cependant un journal de bord électronique. Celui du bateau prétendument non éclairé prouve, sur la base des données enregistrées, qu'il était bien en marche et que l'équipage avait également allumé ses feux de position. Le journal de bord de l'autre bateau, en revanche, n'est pas disponible. Il aurait été dérobé avec son ordinateur portable dans une gare italienne lors du voyage de retour, selon le skipper.
Au vu des preuves, le juge n'a pas d'autre choix que de faire porter le poids des dommages subis au plaisancier sans journal de bord. Celui-ci ne peut pas prouver que les informations contenues dans le journal de bord du propriétaire de l'avarie sont fausses, ni qu'il a fait suffisamment de sorties.
L'obligation de tenir un journal de bord a surtout des conséquences lorsque quelque chose a mal tourné. Dans l'idéal, le journal de bord est parfaitement tenu. Le voyage est compréhensible d'un waypoint à l'autre, la vie quotidienne à bord est documentée, les incidents particuliers ressortent de manière plausible des pages. Le législateur accorde une grande force probante à un tel document. Les notes sont considérées comme vraies, sauf si elles sont réfutées ou si elles ne sont pas concluantes dans leur ensemble. Ils peuvent donc, dans l'idéal, disculper juridiquement le skipper.
Toutefois, si le journal de bord ne répond pas aux exigences formelles, s'il est lacunaire, s'il contient des informations inexactes ou s'il donne une impression de manque de sérieux, cela peut être utilisé comme indice d'une conduite peu scrupuleuse du bateau et constituer un argument en faveur de la complicité du skipper.
La forme de la documentation, papier ou électronique, n'est pas précisée. Il est donc possible d'utiliser un programme informatique au lieu d'un livre relié traditionnel. Pour autant qu'il réponde aux exigences formelles adéquates, telles qu'elles sont imposées à un journal de bord traditionnel. Si l'authenticité du document est garantie, le journal de bord électronique est tout à fait équivalent.
Il est plus difficile de répondre à la question de savoir quand une inscription doit être faite dans le journal de bord, car cela n'est pas clairement réglementé. Une chose est sûre : Seul un carnet aussi complet que possible permet aux personnes extérieures de comprendre une situation a posteriori. Il n'est donc pas possible de prendre trop de notes.
La fréquence et le volume des inscriptions sont plutôt limités par le temps disponible à bord et la clarté du journal de bord. La fréquence des annotations dépend certainement aussi de la zone maritime parcourue. Dans les eaux étroites où le trafic est dense, le risque de collision est naturellement plus élevé. Il est donc préférable d'y inscrire plus souvent la position, le cap et la vitesse.
Inversement, sur les passages océaniques éloignés des routes maritimes, des mentions moins fréquentes sont suffisantes. Ici, en raison de la plus grande distance à terre, d'autres points passent au premier plan. Par exemple, le navire a-t-il subi des dommages, quelles sont les conditions météorologiques, y a-t-il des cas de maladie à bord ?
En règle générale, on peut dire Une entrée doit être effectuée au moins une fois par jour de voyage. Et pendant la journée, au moins chaque fois qu'un événement important se produit. Il peut s'agir de l'arrivée à un waypoint ou d'une manœuvre de navigation.
Reste la question de savoir ce qu'il faut retenir exactement. Le critère est ce que l'on appelle le tiers non averti. Le mieux est que le rédacteur se demande s'il a communiqué toutes les informations pertinentes pour décrire une situation de la manière la plus concrète possible.
En effet, au plus tard lors d'un sinistre contesté, les destinataires sont des experts en assurances, des avocats et des juges. "Lorsque les assurances se disputent devant les tribunaux au sujet des prestations d'assurance à verser, il n'est pas rare que les enregistrements des journaux de bord soient utilisés pour clarifier les faits", rapporte Wychodil sur la base de sa pratique. Il en va de même lorsque des accidents impliquant des bateaux de plaisance sont portés devant les tribunaux maritimes.
Dans ce type de procédure, le contenu du journal de bord est considéré comme vrai jusqu'à preuve du contraire. La législation lui accorde une grande importance. Toutefois, pour être conforme, il doit être, premièrement, compréhensible et, deuxièmement, complet.
Une indication de profondeur, par exemple, est compréhensible. Elle peut être facilement vérifiée à l'aide de la position enregistrée, par exemple en regardant la carte marine. Si la profondeur indiquée par le sondeur dans le journal de bord correspond à celle indiquée sur la carte, la plausibilité de l'inscription est évidente. Un journal de bord est complet - dans son intégralité - lorsque la numérotation des pages est continue et que l'on peut ainsi prouver qu'aucune entrée n'a été supprimée. Les journaux de bord électroniques doivent par conséquent créer des chroniques qui indiquent quand et par qui une entrée a été effectuée.
Mais qu'est-ce qui fait que chaque entrée est complète ? Quelles informations doivent y figurer ? Il n'existe aucune liste à ce sujet, ni dans la convention Solas, ni dans le droit allemand. La loi sur la sécurité des navires ne parle que d'"inscriptions appropriées".
C'est donc au skipper de décider ce qui est approprié et ce qui ne l'est pas. Dans la pratique, cela dépend toujours en grande partie de la situation. La liste suivante est donc plutôt une suggestion, elle ne peut pas être une recommandation complète et à suivre à la lettre.
Quand l'inscription a-t-elle lieu ? Chaque jour d'utilisation du véhicule. Une nouvelle page par jour. Si les amarres sont larguées, une inscription doit être faite ; pour les jours de port, il est possible de tenir un registre. Pour chaque jour inscrit, noter la date d'embarquement.
Quand l'inscription a-t-elle lieu ? Après l'écoulement d'un intervalle de temps raisonnable et pour chaque événement pertinent. C'est le capitaine du bateau qui décide de ce qui constitue un intervalle raisonnable et de ce qui est pertinent. Cela dépend par exemple de la zone de navigation, des conditions météorologiques ou de la situation du trafic. Exemples :
Les journaux de bord avec des listes préétablies et des champs de texte qui n'ont plus qu'à être remplis sont également utiles.
Un journal de bord peut d'ailleurs se composer de plusieurs documents. Les différents éléments doivent alors être notés dans le grand livre. Une carte marine, par exemple, est un exemple d'annexe au journal de bord. Pratique, car les cours et les positions y sont de toute façon inscrits. Peu pratique, cependant, si l'on considère l'obligation de conservation de trois ans imposée par l'ordonnance sur la sécurité des navires. Chaque carte ne pourrait être utilisée qu'une seule fois en raison de la traçabilité de la croisière. Ce n'est qu'ainsi qu'un voyage serait documenté de manière complète et durable.
De ce point de vue, les journaux de bord électroniques sont une alternative. Ils reprennent automatiquement, si on le souhaite, les données de la croisière à partir du GPS et les archivent. D'autres informations peuvent être ajoutées automatiquement ou manuellement. Ainsi, un enregistrement complet et compréhensible de ce qui s'est passé à bord se crée presque automatiquement dans l'ordinateur de bord.
Et il y a encore un point qu'il ne faut pas oublier malgré toutes les obligations légales : l'exercice libre. En fin de compte, un journal de bord contient toujours beaucoup de souvenirs personnels. C'est justement la possibilité de consigner ses impressions et pensées subjectives qui suscite le plaisir d'écrire chez de nombreux navigateurs.
Parfois, cela a aussi une utilité pratique. Car bien sûr, lors de la planification de la prochaine croisière, le journal de bord de l'année précédente doit également répondre à la question : Dans quel port se trouvait la délicieuse poissonnerie ?