L'été de la voile en Suède, c'est début août, et le plein été à son meilleur. En fin d'après-midi, la recherche d'une place de port commence, les ports sont bondés. Même dans le troisième port, qui est vraiment plein à craquer, il n'y a rien à trouver quand on cherche un emplacement douillet pour la nuit.
Suédois, Danois, Allemands, Norvégiens et Finlandais, tous sont en vacances et créent une situation de fourmillement. Avec beaucoup de chance, on peut au mieux obtenir une place en deuxième ligne au lieu de l'idylle du coucher de soleil espérée dans un coin tranquille d'un port tranquille. N'est-ce pas ?
Ou nous continuons tout simplement notre route et faisons quelque chose d'absolument courant ici : accoster sur le rocher. Avec la possibilité fantastique de pouvoir tout simplement quitter le bateau pour aller à terre, sans annexe, sans ponton, sans port, simplement comme ça, au milieu de la nature. S'amarrer à l'esquif, au rocher devant l'ancre de poupe ou même le long du quai est la réponse scandinave aux ports bondés. Une fois que l'on a assimilé cette technique d'amarrage, les voyages en voilier dans le Nord prennent une toute autre dimension. À chaque coin de rue se trouvent de nouveaux rochers qu'il s'agit d'explorer pour savoir s'ils sont adaptés à l'amarrage. Malgré la haute saison, il est souvent possible d'être complètement isolé, parfois même sur sa propre mini-île.
Il y a de nombreuses années, lorsque nous nous sommes amarrés pour la première fois selon le modèle suédois, cela a été pour moi une expérience de réveil. Tout d'un coup, nous pouvions nous déplacer en Suède sans stress. En pleine saison des vacances, il n'y avait soudain plus de raison d'entrer dans un port à midi à la recherche de la dernière place d'amarrage libre. En outre, le fait de pouvoir s'allonger et passer la nuit gratuitement dans un port créé par la nature, au milieu de la plus grande solitude, avec la zone de confort de son propre bateau, est un sentiment génial.
Bien sûr, il n'y a pas de confort à terre. Il n'y a pas d'électricité, pas d'eau courante, pas de douches, pas de barbecue avec des tables et des bancs, pas de poubelles, pas de magasin, en fait il n'y a rien, si ce n'est l'archipel encore chaud de la chaleur de la journée. Et lorsque notre bateau est amarré en toute sécurité et qu'il se balance dans la lumière orange du soir, toutes les commodités d'un port sont vite oubliées.
Avant de partir à l'assaut des pierres, l'attention doit être portée sur l'équipement. Il faut éventuellement en rajouter afin d'être bien équipé pour faire face à toutes les éventualités.
La plupart des Suédois utilisent une ancre M à la poupe. Celle-ci est généralement une taille inférieure à l'ancre de proue. Dans l'idéal, elle a pour seule fonction de maintenir la poupe du bateau dans la bonne direction lorsqu'il se trouve dans la couverture de l'esquif auquel il est amarré. Dans ce cas, l'ancre de poupe est peu ou pas sollicitée tant que le vent ne tourne pas.
Les plaisanciers locaux qui naviguent dans l'archipel utilisent à l'unisson ce que l'on appelle des poulies à sangle sur la poupe. L'ancre, la chaîne et ladite poulie permettent de dérouler et d'enrouler la ligne de mouillage sans stress. Si, comme la plupart d'entre nous, on ne se trouve que de temps en temps dans les zones rocheuses, une ligne avec avance de chaîne ou une ligne de mouillage avec plomb suffit. Nous recommandons une longueur d'au moins 30 mètres.
Si de nombreux bateaux scandinaves sont équipés de ferrures spéciales pour l'ancre de poupe en acier inoxydable, un tube en plastique provenant des sanitaires peut également suffire pour des vacances ponctuelles. Fixé au panier arrière à l'aide de colliers de serrage, il constitue un bon support pour l'ancre. Après les vacances, la solution provisoire peut être démontée.
La plupart du temps, deux suffisent, mais il est préférable d'en avoir quatre, plus ne faisant en aucun cas de mal. Comme elles sont placées sur la cale, si le vent tourne et qu'il faut larguer les amarres rapidement, elles doivent mesurer entre 20 et 30 mètres de long. Parfois, dans les baies très étroites, il est judicieux de ne pas s'amarrer à l'ancre de poupe, mais d'installer une ligne de quai à l'arrière sur le rocher le plus proche. Il ne devrait toutefois pas s'agir d'une ligne flottante. En effet, il est alors possible d'enfiler la ligne sur le fond pour laisser passer d'autres bateaux.
Il y en a des droits et des coudés. Les droits sont utiles pour les rochers relativement plats, où la fente est à peu près perpendiculaire à l'angle d'incidence du bas de ligne. Celles qui sont coudées sont utiles lorsqu'elles doivent être fixées dans une crevasse verticale. En raison de leur bras de levier, elles s'y coincent, alors que les droites seraient retirées à cet endroit en cas de charge. Deux de chaque devraient faire partie de l'équipement de base.
Des marteaux d'un poids de 1 à 2 kilogrammes ont fait leurs preuves pour faire entrer et sortir les clous de l'ourdissoir d'une crevasse. En Suède, il existe des variantes imputrescibles avec des manches en métal spécialement conçues à cet effet.
Si l'on veut également s'amarrer au rocher dans le sens de la longueur, ce qui est fortement recommandé, il est indispensable d'utiliser des défenses de différentes tailles. Les grandes boules de défense peuvent également être utilisées avec profit.
Pour ceux qui n'aiment pas sauter du bateau, une échelle d'étrave accrochable facilite grandement la sortie. Il est possible d'en acheter une universelle dans les magasins d'équipement bien achalandés.
Au début de la recherche réussie d'un endroit protégé entre les pierres, il faut avant tout avoir des prévisions météorologiques aussi précises que possible. En principe, il est recommandé de commencer par des jours de vent faible, voire calme. En outre, les prévisions sont extrêmement importantes. Personne ne veut se réveiller accroché à l'ancre de poupe avec seulement 30 centimètres d'espace entre la proue et les rochers. C'est pourquoi, avant de s'amarrer, il faut trouver d'où le vent soufflera jusqu'au lendemain matin, dans le meilleur des cas sans virevolter et le plus faiblement possible.
Les vagues et la houle peuvent également gâcher la tranquillité d'un mouillage sur roche. Il faut donc veiller à ce que le trafic régulier de ferries ou de cargos n'entraîne pas de houle sur le lieu d'amarrage. Si l'espace entre le rocher et la proue est très réduit, et souvent aussi sous la quille, c'est un critère d'exclusion. Pour trouver la meilleure place en fonction de la situation, on exploite toutes les possibilités d'information. Les conseils des autochtones sont les meilleurs. Rien ne vaut une longue expérience.
Outre les guides de navigation, qui traitent explicitement des mouillages dans les rochers, il existe des cartes marines numériques qui indiquent les mouillages dans l'archipel. Il existe également des informations via Google Earth, des récits de voyage et des forums Internet. Une fois qu'une baie intéressante, protégée de la direction du vent dominant, a été repérée, on étudie la possibilité d'y jeter l'ancre librement. Cela facilite grandement la recherche. En effet, cela évite de devoir repartir dans l'obscurité si toutes les places sur les rochers sont déjà occupées.
Une fois arrivé à destination, il s'agit de choisir un emplacement et d'explorer intensivement les environs. Y a-t-il déjà des amarrages rocheux avec des bateaux de taille similaire ou uniquement des bateaux à moteur avec un faible tirant d'eau ? La rive est scrutée à la jumelle à la recherche d'endroits appropriés. S'il y a des endroits indiqués sur la carte marine, on vérifie s'ils sont adaptés. En règle générale, les rochers doivent être aussi abrupts ou plats sous la surface de l'eau qu'au-dessus.
Un parcours abrupt est une bonne chose dans la mesure où il est probablement profond juste avant le rocher, mais d'un autre côté, si le rocher est très abrupt, la sortie du bateau à terre est un grand défi et n'est pas sans danger, surtout si les pierres sont humides. Il faut décider au cas par cas si l'îlot à l'endroit choisi est approprié pour que l'équipage puisse descendre à terre et réaliser ses souhaits, comme faire un barbecue, se baigner ou se promener avec le chien sur l'îlot. Cela fait évidemment une différence si l'on souhaite continuer à naviguer le lendemain matin ou rester sur l'archipel pour quelques jours de baignade.
La plupart du temps, il est possible de voir avant l'amarrage comment celui-ci sera réalisé. Souvent, on trouve déjà des boulons à œil sur les lieux d'amarrage préférés. Sinon, il faut faire attention aux blocs de rochers, aux arbres ou aux fissures dans lesquels on plante ses propres clous.
Au début de chaque séjour en Suède, le sondeur doit être recalibré. Pour cela, il suffit de sonder la profondeur à l'aide d'une ligne et d'un poids sur un fond rocheux de 2 à 4 mètres et de la comparer à l'affichage. Lors du passage d'un lin ou de l'approche d'un rocher, une concordance exacte des valeurs contribue grandement à la sérénité. Lorsque la décision est prise en faveur d'un endroit apparemment idéal, la première approche commence à vitesse réduite pour le tester, sans encore jeter l'ancre de poupe.
Un membre de l'équipage à la proue signale à l'homme de barre, au moyen de signaux manuels concertés, la distance restante jusqu'à l'île. Pendant les derniers mètres, il essaie d'évaluer la profondeur juste avant le rocher. En cas de doute sur l'adéquation ou de visibilité trop faible, elle donne un signal d'abandon. Le barreur se dirige aussi lentement que possible vers le point de repère préalablement défini. Il faut tenir compte du fait qu'il peut arriver qu'il y ait un léger échouage. C'est pourquoi les derniers mètres sont parcourus en douceur. Lorsque le rocher est atteint et qu'il est possible de le franchir sans danger, le test est interrompu comme prévu et l'on repart.
On discute maintenant de l'investisseur proprement dit et on prépare tout le nécessaire. Combien de cordes seront utilisées, doivent-elles être extrêmement longues ? S'il existe des possibilités de fixation sur l'estacade ou si l'on a besoin de ses propres clous de roche et de sa massette, on peut les emporter à terre dans un pupitre mis à disposition. Si une échelle d'étrave se trouve à bord, il faut maintenant l'accrocher. En outre, il faut s'assurer que le rocher est vraiment sec comme un os, au moins dans la zone de sortie. Un archipel humide ou même mouillé peut être aussi glissant que du savon mouillé. Une telle manœuvre devient alors une mission suicide au sens propre du terme.
Le membre de l'équipage qui est le plus sportif doit faire le travail de franchissement. Pour cela, il faut mettre des chaussures solides, même s'il fait chaud et que des tongs seraient plus agréables aux pieds. Mais les porter, ou même marcher pieds nus, n'est pas cool dans une telle mission, c'est même dangereux.
Une fois que tout est prêt et que les rôles sont distribués, vient la manœuvre d'amarrage finale. Deux à trois longueurs de bateau avant d'atteindre l'estran, l'ancre de poupe tombe et la ligne de mouillage, que l'on espère proprement enroulée, peut se dérouler comme prévu. La personne à la barre fait passer la ligne de mouillage sur un winch dans le cockpit. Depuis la proue, des signes sont donnés pour indiquer la direction et la distance. Environ un mètre avant d'atteindre le rocher, les deux amarres sont jetées à terre et on se positionne sur l'échelle d'étrave ou sur la ferrure d'ancre, justement le plus à l'avant possible du bateau.
Lorsqu'il est possible de passer sans danger, la personne à la proue le signale et l'homme de barre s'arrête d'un coup de poing en disant "stop" et passe par-dessus. S'il y a tout de même un peu de vent de travers, elle occupe d'abord la ligne de flottaison à un crochet d'archipel, un rocher ou un arbre. Puis la ligne sous le vent. La ligne de mouillage peut alors être passée à l'arrière avec le winch. Il est facile de voir si l'ancre de poupe s'enfonce correctement.
Lorsque la ligne de mouillage est finalement engagée sur un taquet de poupe, le barreur se place à l'avant et aide à mettre les lignes de quai sur cale. Ainsi amarré, il est possible de se détacher rapidement du rocher en cas de changement imprévu du vent, sans devoir aller à terre au préalable. Si le bateau est très près du rocher, il devrait être déplacé un peu à l'arrière pour la nuit. Bien entendu, cela n'est possible que depuis le bateau, avec des amarres posées sur la cale.
Les Suédois ne font même pas passer leurs lignes à travers l'œil, mais simplement autour de l'ensemble des boulons. De cette manière, on ne court pas le risque de voir des nœuds se former devant l'œil et empêcher la remontée de la ligne. Dans ce cas, il faudrait revenir sur le rocher et le franchir à nouveau, voire sacrifier la ligne. Si l'on a un peu de vent de travers ou si l'on s'attend à en avoir pendant l'amarrage, on peut poser à terre une ligne de quai supplémentaire à partir du taquet central correspondant pour soulager l'ancre de poupe.
Si un canot est de toute façon remorqué pendant la traversée de l'archipel, un membre de l'équipage peut aussi partir avec et vérifier la profondeur de l'eau à l'endroit potentiel de l'accostage, y monter à terre et prendre les amarres. Dans ce cas, l'idéal est de partir au moins à trois.
S'il y a des places libres juste à côté de la nôtre, il est de bon ton de sortir les défenses. Car pour les navigateurs suédois, il est tout à fait normal d'aller sur un rocher, même si l'on se retrouve alors avec le voisin, coque contre coque. Il ne faut pas s'en offusquer, mais plutôt nouer des contacts et prendre des conseils pour les jours suivants. Il va de soi qu'il faut accepter les amarres du bateau suivant et donner des informations sur la profondeur de l'eau directement sur le rocher.
Et pourquoi est-il d'usage d'aborder l'esquif en premier, par la proue et non par la poupe ? On pourrait alors utiliser l'ancre de proue et sortir par la plate-forme de bain. On observe parfois de telles manœuvres. Mais il faut alors être sûr à 100 % d'avoir suffisamment d'eau sous le gouvernail. Car si l'on peut tolérer un léger échouage de l'étrave ou de la quille en cas de navigation en douceur, cela ne devrait en aucun cas arriver avec un gouvernail relativement instable.
Les endroits où l'on peut s'amarrer le long d'un rocher sont beaucoup plus rares. Une fois que l'on a trouvé un tel rocher, on s'y trouve sans ancre de poupe, quasiment comme sur un ponton. Le mieux est de demander aux autochtones s'ils connaissent ce genre de spots ou de jeter l'ancre librement à un endroit où d'autres sont amarrés en long à proximité. Lorsque ces derniers quittent leur place, on sait, du moins pour les bateaux de même tirant d'eau, que cela convient probablement aussi au sien. Pour de nombreux plaisanciers qui partent en vacances dans l'archipel, s'allonger le long d'un rocher est le couronnement de tout le voyage.
Il est avant tout important de bien fixer les défenses du bateau. Si le vent vient de terre et que le rocher n'est pas parfaitement vertical dans l'eau, les défenses ont tendance à remonter lentement entre le rocher incliné et la paroi inclinée de la coque, jusqu'à ce que cela grince. Des défenses de tailles et de textures différentes permettent de compenser au mieux les irrégularités du rocher. Ici aussi, la règle d'or est donc de faire les premiers essais par vent faible.
Il arrive parfois que l'on se trouve sur le long bord entre deux yachts qui sont eux-mêmes ancrés à l'arrière. En larguant les amarres, on peut se retrouver, selon les circonstances, dans une situation où l'on passe relativement près de l'arrière des bateaux voisins. Les Suédois connaissent bien cette situation et ils posent leur ancre de poupe sur le fond pour éviter tout conflit. Il faut donc veiller à ce qu'il y ait quelqu'un à bord du yacht concerné pour aider.
Personne ne devrait manquer de s'amarrer à un îlot lorsqu'il visite la Suède en bateau. C'est tout simplement trop particulier et tellement différent de ce que nous entendons chez nous par "ancrage". La combinaison de ne pas être obligé d'être au port, mais de pouvoir tout de même monter à terre est tout simplement géniale. Et en plus dans un paysage fantastique, si merveilleusement inhabituel pour nous.
Si l'on suit les conseils précédents, c'est à la portée de tous les équipages, avec peut-être un peu d'excitation les premières fois. Pour nous, c'est en tout cas, avec la navigation dans l'archipel intérieur, la chose à faire lors de chaque séjour en Suède.