Il a fallu beaucoup de temps pour que le système soit prêt pour la production en série. "Nous avons construit les premiers prototypes il y a douze ans déjà", explique Bruno Belmont, chef du développement de Lagoon et l'un des esprits les plus inventifs dans le monde de la construction de catamarans. "Mais ils n'étaient pas assez bons sur le plan technique".
Il y a un peu plus de cinq ans, Belmont et son équipe ont fait un nouvel essai, cette fois avec l'aide de partenaires compétents. Le constructeur de mâts Sparcraft et le voilier Incidence ont participé à la construction. Les premières bômes à enrouleur de conception actuelle ont été gréées dès 2020 et ont été largement testées depuis. Deux catamarans de croisière ont déjà été utilisés pour des croisières. Dès janvier, la production en série de ce que les observateurs appellent un gamechanger potentiel sur le marché des grands multicoques devrait commencer : le Lagoon Furling Boom.
Un "gamechanger" potentiel sur le marché des grands multicoques".
Selon la conviction de Quentin Berault, chef de produit de la marque appartenant au groupe Beneteau, le système va "énormément simplifier" le réglage, la prise de ris et l'artimon de la grand-voile. "Surtout sur les catamarans à flybridge", explique Bruno Belmont, "la bôme à enrouleur offre des avantages décisifs en termes de manipulation par rapport aux grandes voiles conventionnelles".
En fait, cette nouvelle technique relativement simple résout un problème qui est devenu de plus en plus urgent au cours des dix ou quinze dernières années. Avec l'augmentation de la longueur, de la largeur et surtout de la hauteur des multicoques, la prise de ris est devenue une épreuve de courage à plusieurs mètres au-dessus de la mer.
Le pont soleil, souvent surplombé par des biminis fixes, a permis à l'arbre de se déplacer vers de nouvelles hauteurs. Celui qui doit y mettre quelque chose au clair par mer houleuse se sent à juste titre fortement exposé. Le Furling Boom répond donc à un problème qui, au-delà de 40 pieds de long, est tout à fait considérable. L'embout d'une latte de grand-voile se prend-il facilement dans le lazy-bag et bloque-t-il le réglage ? Combien de fois, lors de la prise d'un ris, un cordage ne se libère-t-il pas et écrase-t-il la toile au point de la rendre honteuse et de risquer à la longue de la froisser ?
Comme plus de la moitié des propriétaires de grands catamarans n'ont aujourd'hui que peu ou pas d'expérience préalable en mer, la bôme à enrouleur promet de combler une lacune en matière de sécurité. En effet, personne n'a besoin de quitter le cockpit de pilotage du flybridge pour l'utiliser. Tout ce qui est nécessaire à sa manipulation peut être fait par la paire de winches montée à bâbord.
Quentin Berault montre l'exemple lors du test de navigation devant La Rochelle : Pour mettre en place la grand-voile clairement exposée dans le top, Bruno Belmont tourne d'abord le Lagoon 46 dans le vent, tandis que Berault défait l'écoute de grand-voile. Au niveau de la batterie d'arrêt entre le safran et les winches, un repère blanc sur le Dirk indique que la bôme est dans le bon angle. Il suffit ensuite d'appuyer sur l'interrupteur du winch électrique sur lequel la drisse est engagée et de plier de manière contrôlée la ligne d'enroulement de la bôme de grand-voile pour tirer la toile de 70 mètres carrés dans le gréement.
Certes, la latte supérieure s'accroche d'abord à la jonction entre l'enfileur et le rail de mât, parce qu'il y a trop de jeu et que la voile est déjà légèrement endommagée au niveau de la ralingue. Mais dès que le point critique est dépassé, et qu'il est encore éliminé, la grand-voile s'élève en effet facilement vers le ciel.
La toile se déroule proprement de l'arbre et glisse vers le haut le long du profil monté de manière mobile dans la partie inférieure. La manœuvre ne dure guère plus de trois minutes et peut être effectuée par une seule personne avec un peu d'entraînement, à condition qu'un pilote automatique maintienne le cata dans le vent.
La prise de ris est encore plus simple et plus rapide, car le trajet est plus court et le principe reste le même. La seule différence, c'est que la drisse est désormais attachée et que la ligne d'enroulement est amenée par le winch électrique. Le premier ris est monté en moins d'une minute. Des bandes de mousse cousues dans la voile compensent la profondeur du profil, de sorte que la grand-voile est bien à plat et propre dans le nouveau bas de voile. La latte correspondant au ris est parallèle à la bôme.
Contrairement à d'autres systèmes de bômes à enrouleur, la grande taille n'est pas couverte. Cela facilite le contrôle visuel. "Nous voulions que la technique soit aussi simple que possible", souligne Bruno Belmont. Un principe compréhensible, d'autant plus qu'il n'existe jusqu'à présent que peu d'alternatives sur les grands skates de croisière et donc des expériences pratiques limitées sur le long terme.
Lors du test, on sent que même les experts Lagoon font encore preuve d'une certaine prudence. Afin de respecter précisément l'angle d'entrée du guindant, Belmont et Berault ne ferment la drisse ou l'emmagasineur qu'avec beaucoup de contre-pression. En raison de la résistance, la grand-voile est donc enroulée autour du fuseau avec une forte traction, en particulier lors de la prise de ris ou de la récupération. Les plis qui se forment sont ainsi littéralement comprimés dans la toile, mais la charge de traction sollicite surtout le laminé polyester qui fait partie du paquet de bôme à enrouleur.
C'est surtout sur les catamarans à flybridge que la bôme à enrouleur offre des avantages de maniabilité par rapport aux grandes voiles conventionnelles" (Bruno Belmont, Lagoon)
Reste à savoir s'ils résisteront à l'épreuve du temps. Incidence Sails, l'un des principaux fabricants de voiles en France, notamment dans le domaine de la navigation hauturière, dispose sans aucun doute de l'expertise nécessaire. Et Sparcraft, le spécialiste des gréements, est également un gage de qualité.
Le gréement modifié pour recevoir le rail de mât, la bôme à enrouleur ainsi que la grand-voile à coupe radiale coûtent près de 43.000 euros de plus pour le Lagoon 46 ; pour le Lagoon 51, il faut compter 55.930 euros de plus. C'est beaucoup d'argent pour un gain de confort et de sécurité. Au début, Bruno Belmont ne s'attend donc qu'à une part de marché d'environ 20 pour cent. "Mais cela augmentera nettement avec le temps, lorsque les avantages seront connus".
D'ici deux ou trois ans, il pense que plus de la moitié des grands catamarans seront équipés du Furling Boom. Pendant deux ans, le système sera une exclusivité de Lagoon. À partir de 2026, Sparcraft et Incidence pourront également fournir cette technologie à d'autres chantiers.