Bien plus que ce que l'on peut mettre dans un cahier".
Lars Bolle parle des débuts modestes de YACHT online et de près de 30 ans de développement jusqu'à l'actuel "Digital first".
Nous devons maintenant faire quelque chose sur Internet". C'est ce qu'aurait dit le directeur de la maison d'édition Olaf Kleinelanghorst au rédacteur en chef Jörn "Edde" Bock au milieu des années 90. C'est du moins ce qui est rapporté. Edde a reproduit cette phrase lors d'une conférence de rédaction, suivie d'une remarque peu ambitieuse : "Si quelqu'un veut le faire, qu'il se manifeste auprès de lui. J'étais jeune, naïve et suffisamment curieuse, alors je me suis inscrite. C'était il y a près de 30 ans, et le thème de l'Internet, aujourd'hui généralisé par le terme "numérique", m'a accompagné pendant tout ce temps.
A ses débuts, Internet n'avait rien à voir avec ce que nous connaissons aujourd'hui. Au début, nous étions un "IP" d'AOL, un soi-disant producteur individuel chez America Online, l'un des premiers fournisseurs d'accès à Internet. Le réseau n'était alors constitué que des offres de quelques géants des télécommunications. Des messages et des images de la taille d'un timbre-poste étaient insérés dans des masques prédéfinis. Seuls les membres d'AOL, et donc les clients payants de ce fournisseur, y avaient accès. A l'époque, il n'existait pratiquement pas de sites Internet propres et gratuits.
Tout cela, et bien plus encore par la suite, se passait en dehors de mon travail. J'étais chef de la rubrique sport, mais j'étais aussi sollicité partout ailleurs : matelotage, tests, territoires.
Mon chemin vers le YACHT est passé par sa petite sœur, comme nous l'appelions toujours, le magazine "Der Segler". Fondé après la chute du mur en tant que joint-venture avec la maison d'édition Delius Klasing, les éditeurs de l'époque, le couple Gangloff, ont essayé d'établir un magazine pour les plaisanciers de l'ex-RDA. J'étais en train de poncer la carène de mon Finn-Dinghy dans le port de plaisance de Warnemünde lorsque Ralf Gangloff est passé et m'a serré la main pour un volontariat auquel j'avais préalablement postulé. Il est cependant rapidement apparu que les chiffres souhaités ne pouvaient pas être atteints. La rédaction a déménagé de Rostock à Travemünde et moi avec, le contenu du magazine a été élargi au "Nord de l'Allemagne", les chiffres ont augmenté. Mais pas dans la mesure nécessaire. Lorsque "Der Segler" a été arrêté, on m'a proposé de rejoindre YACHT.
J'étais donc assis là, le seul à avoir accès à Internet, avec un modem téléphonique d'une bande passante de 56 kilobits par seconde. Pour ceux qui s'en souviennent, c'était l'époque où, après avoir tapé l'ordre de connexion, on pouvait d'abord aller se chercher un café, puis écouter les chuintements et les grincements du modem.
Un ou deux ans avant le changement de millénaire, nous sommes passés au "vrai" Internet, avec notre propre site et notre propre adresse : yacht.de. La technique n'avait guère changé, l'ISDN n'est arrivé qu'à partir de 1998, avec tout de même 64, en tant que double ligne à 128 kbps. Je devais toutefois la partager avec le service graphique, qui échangeait déjà à l'époque les premières mises en page numériques avec l'imprimerie. Lorsqu'un téléchargement était en cours, il y avait d'abord une pause.
La stratégie était alors différente de celle d'aujourd'hui. Le YACHT imprimé avait et a encore aujourd'hui un délai d'environ dix jours. Une véritable actualité n'était donc pas possible. Aujourd'hui, il me semble presque ridicule que nous remplissions une double page dans chaque numéro avec les résultats des régates. Les listes, transmises par fax, étaient depuis longtemps de l'histoire ancienne lors de leur parution.
YACHT online devait en revanche être le "quotidien des navigateurs", c'est-à-dire relater l'actualité. Financé, espérait-on, par des recettes publicitaires, puisque l'Internet était partout gratuit à ses débuts. En ce qui concerne le contenu, le site était conçu comme un complément au magazine, en aucun cas comme un concurrent, car le magazine imprimé ne devait pas être menacé.
Oui, c'est effectivement ce que l'on a pensé pendant de nombreuses années, plutôt des décennies. On a parlé de cannibalisme, Online prendrait des lecteurs au magazine pour rien. Un argument massue qui reposait plus sur des sentiments que sur des arguments. Le YACHT n'a pu s'y soustraire que pendant deux des 25 dernières années, malgré tous ses efforts.
Aujourd'hui, les experts en ligne attribuent le déclin de la presse écrite à un changement des habitudes de lecture. Une statistique américaine datant de 1945 et publiée fin 2015 est très intéressante à ce sujet. La fréquence d'utilisation des journaux dans les ménages a été étudiée. La courbe, à l'exception de quelques petites augmentations et diminutions, est orientée vers le bas, comme si elle avait été tracée à la règle. Ni la radio, ni la télévision, ni l'Internet n'ont eu d'influence soudaine sur l'utilisation des médias imprimés. Au contraire, le passage de l'imprimé au numérique a été un processus fluide qui se poursuit encore aujourd'hui.
La maison d'édition Delius Klasing a également suivi cette évolution. Il y a trois ans, il a mis en place un département numérique ; j'ai quitté mon domicile imprimé au YACHT et je dirige depuis lors, en tant que rédacteur en chef, toutes les présentations numériques des sports nautiques.
Le numérique fait aujourd'hui partie intégrante du travail de tout rédacteur. Et toute une famille de nouveaux produits est venue s'y ajouter : Youtube, Facebook, Instagram, podcast, newsletter. L'accélération du développement numérique s'est accompagnée d'un changement de stratégie. Tous les contenus produits par la rédaction sont également disponibles en ligne et, avec l'actualité quotidienne, cela représente bien plus d'articles que le magazine ne peut en fournir sur une période comparable. Depuis le printemps de cette année, il s'agit d'une offre premium, c'est-à-dire d'un abonnement payant de 2,49 euros par semaine. Soit moins que le prix du café que l'on allait chercher à l'époque en attendant la connexion.
Il me semble encore presque surréaliste que nous fêtions les 120 ans de YACHT, mais que nous soyons déjà sur la route du numérique pendant environ un quart de cette période. Quelle évolution fulgurante !