22 avril 2022, au milieu de l'océan Pacifique. Par 17 nœuds de vent, grand-voile, foc de cotre et yankee affalés, une secousse traverse le bateau à six heures du matin après un grand bruit. Les circumnavigateurs Yvette et Sander Droog sautent sur le pont : mât brisé ! Le mât de leur Koopmans 44 est à moitié pendu par-dessus bord, la bôme pointe vers le bas, la grand-voile dérive dans la mer roulante. Malgré leurs efforts, ils ne parviennent pas à ramener le mât sur le pont dans les vagues de deux mètres et demi. Ils doivent couper les haubans et le regarder sombrer.
Ils ont devant eux près de 1700 miles jusqu'aux Marquises. Faire le trajet le plus court pour retourner à Galapagaos contre le vent n'est pas une option. Ils construisent un gréement de fortune pour leur "Blue Beryl" à l'aide d'un spinakker et d'un foc de tempête. Trois ou quatre nœuds de vitesse, c'est tout ce qu'ils peuvent faire avec leur maigre toile dans l'océan Pacifique agité. 24 jours de navigation incontrôlée les attendent. "La mer est brutale, nous roulons de gauche à droite. La vie à bord est extrêmement inconfortable, mais nous nous en sortons", écrit Sander dans son blog sur Facebook. Le mât de secours fait un excellent travail, mais le roulis constant de la mer met les muscles et les nerfs à rude épreuve. Yvette est anxieuse et a du mal à dormir au début.
Mais même dans l'immensité apparemment infinie du grand océan, ils ne sont pas seuls. Ils sont en contact avec Rob Droog, le père de Sanders, par satellite et avec d'autres navigateurs par radio. Plusieurs bateaux passent et leur apportent du diesel, des somnifères, du pain frais et des brownies. Le voilier canadien "Afrikii" est l'un d'entre eux. Ses membres d'équipage filment la rencontre en mer - dans cette vidéo à partir de la 12e minute. "Nous avons envisagé d'emmener Yvette à bord avec nous. Mais c'était trop dangereux avec l'état de la mer", racontent-ils dans la vidéo. Ils ne peuvent même pas s'approcher du "Blue Beryl".
Avec le temps, un rythme de bord s'installe, mais le vent et la mer ne laissent aucun répit. Tout demande une énergie épouvantable, "mais nous sommes tout de même capables de cuisiner et de vivre. Si on peut appeler ça comme ça. C'est plutôt de la survie". Vers la fin du voyage, la mer se transforme encore une fois en montagnes russes. Sander décrit dans un blog : "Terrible ! Les vagues déferlent sur le pont. Ce qui est normalement une journée de navigation relativement intense se transforme maintenant en un combat. J'ai l'impression de naviguer sur la mer du Nord avec un vent de force huit. Les vagues semblent de plus en plus furieuses contre nous, car elles ne peuvent pas nous abattre". Ce n'est que le dernier jour, alors que la terre se laisse presque sentir, que le vent s'endort. Au moteur, ils atteignent la petite île de Hiva Oa. Leur conclusion après ce qui est sans doute la plus grande aventure de leur vie : "Tout n'a pas été dramatique. Mais beau, c'est différent !"
Ce n'est pas la première fois qu'ils ont une grande malchance : en 2017, leur "Blue Beryl" a coulé dans le port d'Amsterdam. À l'époque, une campagne de crowdfunding les avait aidés à remettre le bateau en état. L'avenir du bateau et du couple n'est pas encore clair. Rob, le père de Sander, déclare à ce sujet dans une interview au magazine de voile néerlandais "Zeilen" : "Sander cherche déjà des solutions pour transporter un nouveau mât en Polynésie française. Le bateau est tout à elle". Des discussions seraient en cours avec l'assurance. Mais pour l'instant, tous deux ne veulent rien d'autre que de dormir dans une maison avec quatre murs sur la terre ferme - "après 30 jours dans une pièce qui est moins un bateau de luxe qu'un bunker de survie".