"Je prie Dieu pour qu'ils ne nous attrapent pas à nouveau", a déclaré le skipper Jürgen Kantner, 70 ans, dans une interview accordée à YACHT en 2009 après son enlèvement par des pirates somaliens. Ses prières n'ont apparemment pas été entendues. Certes, il manque encore une confirmation du ministère des Affaires étrangères, mais il n'y a aucun doute raisonnable sur le fait que Kantner et sa compagne Sabine M. ont à nouveau été victimes de terroristes.
Dans l'archipel de Tawi-Tawi, dans la mer de Sulu, qui compte parmi les zones centrales du groupe islamiste Abu Sayyaf, les terroristes ont, selon leurs propres dires, attaqué un yacht, kidnappé le skipper et tué sa compagne. "Elle a essayé de nous tirer dessus, alors nous l'avons abattue", a expliqué un porte-parole du groupe terroriste. Selon les autorités, le corps de la femme sur le yacht retrouvé tôt dimanche matin (heure locale) près de l'île de Laparan contenait effectivement un fusil. Le yacht battait pavillon allemand et portait le nom de "Rockall".
Après avoir vu les photos publiées par les autorités philippines, il est clair que le bateau attaqué appartient bel et bien à Jürgen Kantner. C'est d'ailleurs le nom que la victime de l'enlèvement a donné dans une conversation téléphonique avec le "Philippine Daily Inquirer". L'âge correspond également. Tout porte donc à croire que les victimes sont les deux émigrés de Souabe.
L'équipage du "Rockall" a déjà souffert le martyre en 2008. Après l'enlèvement de leur yacht au large des côtes yéménites, ils ont été emmenés en Somalie et retenus en otage pendant 52 jours dans des conditions à peine dignes de l'être humain, avec des exécutions sommaires. Selon le "Bild", 600.000 dollars américains auraient été versés à l'époque pour sa libération.
Les deux victimes ont décrit en détail à YACHT les circonstances de l'agression et leur période de détention en otage. Elles ont annoncé leur intention de poursuivre leur croisière (édition 22/08). Ils ne possédaient finalement plus rien de valeur à terre, toutes leurs économies étaient dans le bateau.
En effet, Kantner a récupéré son yacht des mains des terroristes dans des circonstances rocambolesques (YACHT 16/09) et en a rendu compte directement depuis la Somalie dans un article remarquable pour YACHT online. Le couple a ensuite poursuivi sa croisière vers l'Asie du Sud-Est.
Kantner décrit ici le déroulement de l'agression et son action de récupération :
Après cela, tout semblait enfin se dérouler comme prévu. Le "Rockall" a navigué en Thaïlande et en Malaisie, et Sabine M. avait prévu de relater ses terribles expériences dans un livre. Cela n'a pas eu lieu.
On ne comprend pas pourquoi le "Rockall" se trouvait dans la mer de Sulu. Le skipper devait être conscient des risques encourus si profondément dans la zone terroriste. Depuis l'enlèvement de l'équipage allemand du "Catherine" il y a deux ans vers un lieu encore bien plus éloigné du fief des criminels, le ministère des Affaires étrangères met expressément en garde contre les séjours dans cette région : "Abu Sayyaf est responsable d'enlèvements aussi bien de ressortissants philippins que d'étrangers, qui se produisent régulièrement, surtout à Mindanao et dans la mer de Sulu. Dans la mer de Sulu, il peut également y avoir des attaques contre des voiliers et des bateaux de plongée....Il est fortement déconseillé de se rendre dans le centre et l'ouest de Mindanao, y compris dans la péninsule de Zamboanga, dans la mer de Mindanao, dans la mer de Sulu, y compris dans le sud de Palawan et ses îles, ainsi que dans les archipels méridionaux des îles Cagayan de Tawi-Tawi, des îles Tortues et de toutes les îles Sulu (Basilan, Jolo, Tawi-Tawi et autres) entre Mindanao et la Malaisie orientale".
YACHT publie dans son numéro 24/2016 (en kiosque à partir du 16 novembre) un dossier spécial sur ce sujet. Henrike Dielen, également enlevée par Abu Sayyaf à bord du "Catherine" dans la mer de Sulu, s'y exprime sur les circonstances de l'attaque de l'époque. Nous présentons également une nouvelle étude dont on peut tirer un très bon guide pour l'évaluation des risques des territoires.
