Lundi matin, arrière-saison sur la mer de Bavière, le lac Chiemsee. Le troisième plus grand lac d'Allemagne après le lac de Constance et le Müritz. Thomas, propriétaire d'un J/97, vient de passer deux mois sur la Baltique. Et le nôtre un Croisière en Finlande pour le YACHT. En d'autres termes, la "mer" sur laquelle nous voulons naviguer a du mal à être acceptée en tant que telle. Pourtant, les chiffres parlent d'eux-mêmes : pas moins de 5000 voiliers seraient répartis sur une rive de 64 kilomètres au bord du lac de Chiem. A cela s'ajoutent une multitude de SUP et de bateaux électriques de location.
Le plus ancien bateau, pour ainsi dire le cerf de la région, est le bateau à aubes "Ludwig Fressler", en service depuis 1926 et qui transporte inlassablement les visiteurs vers les deux points forts du lac : l'île des femmes et l'île des hommes avec le château éternellement inachevé du roi des contes Ludwig.
Et le décor est également magnifique. Surtout lorsque le regard se porte vers le sud et l'ouest depuis la rive nord à Gstadt. Si l'on tourne la tête vers la gauche, vers l'est, on pourrait presque se croire dans le Mecklembourg-Poméranie occidentale. Ou presque : "Oubliez cette partie", dit M. Heistracher junior du loueur de bateaux ChiemseeYacht. "Je n'irais pas là-bas. Ça ne vaut pas la peine. Là-bas, par vent d'ouest, vous devrez aussi faire une éternelle croisière de retour".
Éternel ? Comment est-ce possible ? Thomas et moi nous regardons, incrédules. Le lac Chiemsee n'est pas le Cap Horn. Comment trois petits miles nautiques peuvent-ils devenir une éternité ? Même si le moteur ne peut être allumé qu'en cas d'alerte orageuse ou une heure avant le coucher du soleil. Et pas quand on a faim.
Malgré les conseils bien intentionnés, l'incrédulité persiste, quelles que soient les conditions difficiles qui règnent parfois sur le lac. Ce n'est que plus tard que nous devinons ce que cela pourrait signifier. Concrètement : à quel point le lac Chiemsee peut s'étendre en cas de calme plat, et avec lui le temps et l'espace !
Lorsque le vent vient à manquer, les navigateurs doivent s'armer de patience. Il n'est pas question de mettre le moteur en marche. Ce n'est autorisé qu'au port ou en cas de tempête".
Mais le premier coup va tout simplement quelque part. Sortir de la boîte. Et ce, la quille relevée, dans l'eau profonde et soi-disant potable. Pour que cela reste ainsi, il n'y a pas de toilettes à bord du Jeanneau 319 nommé "Symphonie". Même dans le lavabo, il y a un panneau : "Interdiction d'utiliser" ! Sur tous les lacs bavarois, c'est pour ainsi dire la loi de la pureté qui s'applique. On cherche aussi en vain une possibilité de cuisiner sous le pont. Il est tout de même possible de passer la nuit sur un yacht charter, mais pas au mouillage.
Nous quittons la jetée de Gstadt au moteur et mettons le cap sur le passage entre l'île des femmes et l'île aux herbes. Environ 50 mètres plus loin, le diesel est coupé et les voiles sont hissées. Peu importe ce que fait le vent. Il s'entraîne encore. Pour l'instant, il n'y a rien de plus qu'une petite brise tiède. Selon le loueur, les meilleurs vents soufflent au sud des îles. Là où se déroulent les régates. Mais attention, nous dit-on, il faut toujours naviguer au milieu des îles et se tenir à l'écart des ferries et des bateaux de passagers !
"Oui, oui", pensons-nous, "ne vous inquiétez pas, nous sommes des navigateurs natifs de l'Elbe et nous avons beaucoup voyagé. Il doit y avoir bien plus de péniches et de plus grandes qui passent par là qu'un ou deux bateaux de passagers, qu'il faut bien sûr éviter, sauf en cas de calme plat total". Au vu de ce briefing détaillé, on se rend vite compte que sur le lac de Chiem, il est apparemment possible de louer un bateau sans permis de navigation de plaisance et sans grande expérience. En d'autres termes, la navigation encadrée semble être à l'ordre du jour ici.
Plus au sud des îles se trouve effectivement la brise. On peut la voir. Au nord, en revanche, nous restons d'abord un moment avec le bateau. Ce n'est pas grave, tant que le soleil brille. C'est le cas. Comme un jour d'été des vieilles femmes exemplaire. La couleur de l'eau et la température invitent à la baignade. Et le meilleur, presque le plus exotique pour nous : le panorama ! Les pêcheurs comme nous naviguent rarement dans un décor montagneux de livre d'images comme celui des Alpes de Chiemgau. Un horizon qui culmine à 1.961 mètres au Sonntagshorn.
De Gstadt à Fraueninsel, il n'y a qu'un jet de pierre ou un saut de puce. Le bateau de passagers met moins de cinq minutes. Il nous faut un peu moins d'une demi-heure. Heureusement que personne n'est pressé. Ou pour aller aux toilettes de toute urgence. Comme je l'ai dit, il n'y a pas de toilettes à bord.
Le fait que le lac soit grand ou petit dépend entièrement de la force du vent. S'il y a une forte brise, il est rapidement parcouru. Dans le cas contraire, le court voyage se transforme en long voyage".
Ce qu'il y a en revanche, c'est une multitude de belles possibilités de restauration avec des spécialités régionales au menu. Par exemple, le renard frais, plus connu dans le nord sous le nom de corégone et probablement importé autrefois par des moines. Mais pour arriver quelque part, il faut du vent ou de la patience. Si les deux manquent, il faut absolument emporter une ration de secours à bord. Car il est interdit de mettre le moteur en marche. Un peu absurde quand, à côté de soi, les insulaires, les ferries et les bateaux de passagers traversent à leur guise vers l'île des femmes. Pourquoi n'avons-nous pas de moteur électrique ? On pourrait alors naviguer en toute impunité et sans problème grâce à la faim et aux menus.
Puis enfin du vent ! La faim doit attendre. Il faut profiter de la brise. Nous naviguons sur le flanc sud boisé de l'île de Herren. Le nombre de voiliers augmente dans l'après-midi. À Prien, le DHH gère une école de voile. Soudain, plusieurs J/80 s'agitent sur l'eau. Ils sont incomparablement plus rapides que nous, ce qui n'est pas seulement dû aux bateaux. Apparemment, ils ont un meilleur vent dans la partie ouest du lac, alors que nous sommes bientôt pris dans le prochain calme plat. C'est magique, mais ce n'est pas grave. Au milieu d'un livre d'images en trois dimensions, qui pourrait s'appeler "Heidi ahoi". Si, ça a quelque chose. Quelque chose de méditatif. La découverte de la lenteur. Et la durabilité, quand le moteur ne peut être utilisé que pour l'accostage et l'amarrage.
Ce qui est un peu gênant, c'est le chant monotone de l'autoroute, qui devient de plus en plus audible à mesure que l'on s'approche de la partie sud du lac. Avant que cela ne devienne trop énervant, il faut virer de bord ! Et attendre à nouveau le vent. Chercher les frisottis et les attirer vers le bateau par des incantations magiques. Ou y a-t-il des pagaies quelque part à bord ? L'estomac commence à gargouiller. "L'oasis sous le nez", comme le dit si bien le co-navigateur Thomas, qui se réjouit d'un rôti de croûte que l'on peut presque sentir par temps calme.
En Bavière, les portions sont généreuses et riches en viande. Et extrêmement savoureuses".
Vers l'après-midi, nous nous amarrons le long de la jetée de l'île aux femmes. Nous achetons un ticket de parking à l'automate pour quatre euros et le coinçons de l'intérieur derrière une fenêtre du salon, comme on nous l'a demandé. Pour un lundi, il y a étonnamment beaucoup de monde dans la plus petite commune indépendante de Bavière. Après avoir fait le tour de la maison de Monsieur Porsche et de celle de Monsieur Lidl, nous nous arrêtons au "Linde". On y trouve toujours une petite place - avec une table généreusement garnie. En Bavière, les portions sont très copieuses et riches en viande. Et très savoureuses.
En fin de journée, un bon vent d'est se met à souffler. Une trajectoire parfaite en direction de Gollenshausen. Le conseil vient de la serveuse qui a apporté le strudel aux pommes. On y serait assis au premier rang et on aurait une belle vue sur les montagnes. Alors, rien à faire. Avec l'épée en bas au "Seehäusl". La progression est rapide. Une navigation très fine le long des roseaux. Comme sur des rails. Et aucune vague nulle part. Pendant ce temps, les Alpes du Chiemgau restent à l'arrière.
Une poussée et ensuite l'extérieur du ponton flottant. C'est parfait. Un endroit intime, sans aucun doute. On aimerait bien y passer la nuit. Malheureusement, il n'y a pas de capitaine de port ni d'endroit où aller. Et le "Seehäusl" est en train de fermer. C'est vraiment dommage. Nous rentrons donc à la maison à Gstadt à la tombée de la nuit, par la force des choses. Et c'est avec étonnement que l'on constate que même une journée de quatre ou cinq miles nautiques ressemble à une vraie croisière.
Le lendemain, nous mettons le cap sur l'île des hommes. Le meilleur temps, mesuré en heures d'ensoleillement. Le vent pourrait être plus fort. Mieux : beaucoup plus. Les stand-up paddlers nous dépassent à gauche et à droite. Et puis quoi encore ! C'est à peu près ce que doivent ressentir les Rossbreiten - mais sans le panorama de montagnes et le monastère devant l'étrave. Le moindre souffle d'air est salué. Le léger gargouillement à la poupe. Et puis à nouveau le silence. Une navigation élégante, presque poétique. Idéal contre le burnout et l'hypertension. Ne rien vouloir, être simplement sur le lac et en harmonie. C'est dans le calme plat que réside une force différente. Mon compagnon de navigation - qui aime habituellement naviguer un peu plus vite avec son J/97 - trouve cela "extrêmement méditatif".
Avec l'arrivée de la brise, le lac se rétrécit. Soudain, on se retrouve rapidement là où l'on voulait aller et où il aurait fallu des heures. Par exemple à Prien, le centre touristique du lac Chiemsee. Nous demandons au capitaine du port si nous pouvons nous amarrer le long du quai pour quelques heures. Pas de problème. Si nous voulons passer la nuit, il faut le dire avant 18 heures et payer 20 euros. Et, non, il n'y a pas de ponton public au restaurant "Fischer am See". Mais nous pourrions nous approcher du Yachthotel, un complexe hôtelier de qualité avec un caractère de station balnéaire.
Un ancien monastère sur l'une, un château chargé d'histoire sur l'autre : les deux îles valent le détour. Surtout en basse saison, quand il y a moins de touristes".
C'est dommage. Un restaurant de poisson Sail-in aurait pourtant du sens. Il faut donc se dégourdir un peu les jambes. Traverser l'épicentre touristique. C'est de Prien am Chiemsee que partent la plupart des touristes vers les îles Frauen- et Herreninsel. La compagnie de navigation a spécialement créé une voie ferrée pour relier la gare à l'embarcadère. Juste à côté se trouve le parking des bus. Début septembre, on n'a heureusement qu'un arrière-goût de ce qui doit se passer ici en plein été.
L'après-midi, nous voulons repartir, profiter de la brise qui se lève. Au lieu d'arêtes, la remarque du serveur nous reste en travers de la gorge au "Pêcheur au bord du lac" : "Impossible, regardez !" Il nous désigne le clignotement de l'un des douze feux optiques d'avis de tempête répartis sur les rives du lac ( voir ci-dessous ). 40 éclairs par minute annoncent 6 à 7 Beaufort. Selon lui, il ne faut plus sortir en mer. Est-ce possible ? Que faire ? L'orage semble encore loin. Avec les clignotements sur le lac, on peut aussi utiliser le moteur. Un couple âgé sur le ponton voisin nous explique : "Avec 40 éclairs par minute, on peut encore partir". Ce n'est qu'à 90 éclairs par minute, lorsque des vents de plus de 8 Beaufort sont attendus, que tous les amateurs de sports nautiques doivent quitter le lac en toute hâte. En montagne, le temps peut changer en un clin d'œil.
Nous décidons d'aller de l'avant. Il y a enfin une brise qui permet de naviguer. Et en plus, elle vient de loin. Le passage vers Gstadt sera donc une belle et rapide chevauchée. Plus vite que l'orage qui se prépare. À peine amarré, il se met à crépiter à tel point que l'on croit que l'on fait des claquettes sur le pont. Le jour suivant tombe littéralement à l'eau. Mais ce n'est pas grave. De toute façon, l'île de Herren ne peut être visitée que par un bateau de passagers.
En plein été, il y a foule sur l'eau, mais surtout sur les îles du lac de Chiem. Mieux vaut partir en croisière en avant ou en arrière-saison".
Nous avons réservé une visite guidée privée de l'île, qui allie de manière exemplaire nature et culture. Konrad Hollerieth, notre guide, dit qu'il n'a jamais vu si peu de visiteurs que même lui prend une photo du château inachevé de Herrenchiemsee du roi des contes Louis II. L'homme n'y a passé que dix jours à l'époque. Isolé, noctambule, dépressif et fantasque jusqu'à sa mort - dans le lac de Starnberg. Les circonstances n'ont toujours pas été élucidées. On quitte le château somptueux et ostentatoire, construit sur le modèle de Versailles, en pensant : "Pour être heureux, il faut peu de choses - et seul celui qui est heureux est un roi".
Pour nous, un voilier et une brise modérée suffisent. Sur la mer un peu différente ou bavaroise - tant qu'il est encore temps, il faut le souligner. À l'origine, le lac de Chiem était trois fois plus grand, comme le raconte notre guide. Dans environ 8.000 ans, les sports nautiques auront complètement disparu. L'apport de sédiments par l'Ache est trop important. Il ne faut donc pas se presser. Mais cela vaut la peine de faire une fois de la voile sur le lac de Chiem.
Nous avons voyagé avec un Jeanneau 319 de ChiemseeYacht. Le bateau coûte 340 euros par jour, 5 jours (du lundi au vendredi) coûtent 950 euros et la semaine complète est de 1.400 euros. Les draps doivent être apportés. L'équipement du bateau est spartiate, voire inexistant. Il n'y a pas de toilettes à bord. A réserver au numéro suivant : Tél. 08054/90 66 90, WWW.CHIEMSEEYACHT.DE
Changeant dans le temps. Comme c'est souvent le cas en montagne. Les orages peuvent éclater rapidement, les calmes être persistants. Un navigateur local résume ainsi la situation : "Tu as soit trop de vent, soit pas assez sur le lac de Chiem". Le lac de Chiem est suffisamment grand pour que des vents locaux puissent se former. Lorsque les conditions météorologiques le permettent, le soleil assure une brise thermique vers midi. Les directions de vent les plus fréquentes sont l'ouest et le nord-ouest, qui proviennent de zones de basse pression se déplaçant vers l'est au-dessus de la Bavière. Les intempéries proviennent souvent de cette direction. Le vent du sud n'existe qu'en cas de foehn. Le vent le meilleur et le plus fiable souffle de l'est. Il est rare, mais alors très constant, et l'on peut être sûr que le temps restera stable. Par vent d'ouest ou d'est, le canal, le passage au nord-ouest des îles, est très apprécié car une buse s'y forme.
Un système optique d'alerte au vent est installé tout autour du lac, comme décrit dans le texte. Dès qu'il commence à y avoir des éclairs, il est permis d'utiliser le moteur. A partir de 90 éclairs par minute, il faut quitter le lac immédiatement.
Il n'est possible de passer la nuit que dans quelques rares ports équipés de sanitaires. Il est préférable de rentrer le soir à la base. Plus d'informations : WWW.CHIEMSEE-SEGELN.DE
Les voiliers sans moteur, sans installation d'habitation, de cuisine ou sanitaire et d'une longueur inférieure à 9,20 mètres n'ont pas besoin d'être déclarés, enregistrés ou autorisés par le Landratsamt. La situation est plus compliquée pour les bateaux équipés d'un moteur auxiliaire. Il est possible de demander une autorisation de vacances auprès du Landratsamt de Traunstein : WWW.TRAUNSTEIN.COM/BUERGERVERWALTUNG/NAVIGATION
Il est facile de se rendre à l'île des femmes avec son propre bateau. On peut s'y arrêter à l'auberge "Zur Linde". Il est toutefois préférable d'arriver en fin de journée, lorsque les touristes d'un jour ont quitté les lieux. Il n'est pas possible de se rendre à l'île des hommes par ses propres moyens. On ne peut s'y rendre qu'en bateau à passagers. Le château et le monastère valent la peine d'être vus. Il est possible d'accoster avec son propre bateau au "Yachthotel" près de Prien. L'installation a un caractère de complexe hôtelier. Le "Seehäusl" à Gollenshausen est quant à lui sans prétention. Si vous aimez le poisson, allez au restaurant "Zum Fischer am See". Il n'a malheureusement pas d'embarcadère, mais il est facilement accessible à pied.