En test :
Toutes les parties du comparatif des cruisers de performance
Une navigation active et sportive et une croisière confortable ne s'excluent pas nécessairement. Les chevauchements existent et les intersections entre ces deux orientations très prisées sont de plus en plus nombreuses, les compromis plus attrayants. Une société de loisirs de plus en plus polyvalente exige de nouveaux concepts croisés. Il faut des bateaux adaptés à la randonnée et à la vie de famille, d'une part, et des voiliers performants, d'autre part. Ainsi, une clientèle jeune et polysportive veut aussi pouvoir naviguer en régate - de manière active, ambitieuse et si possible avec succès.
Le thème de la croisière de performance n'est bien sûr pas nouveau, mais il connaît actuellement un nouveau boom. Les concepts de bateaux modernes, avec des coques de plus en plus volumineuses, favorisent cette évolution, car les compromis à faire entre sport et confort deviennent plus petits et plus acceptables. La classe des cruisers de performance peut en outre profiter de concepts de gréement de plus en plus simples ainsi que d'aménagements de cockpit clairs et fonctionnels. Pour naviguer de manière active et sportive, il n'est plus nécessaire de disposer d'une longue expérience et d'un grand savoir-faire dans le sport. Grâce à leur maniement simple, les bateaux sont faciles à maîtriser, même par un équipage réduit, voire inexpérimenté. Il n'est plus nécessaire d'avoir un équipage complet.
Autant de bonnes raisons d'accorder une grande attention à la catégorie des cruisers performants actuels. Dans le cadre des tests de groupe annuels, l'équipe de test de YACHT a donc décidé d'inviter les représentantes de la classe des onze mètres de longueur de coque, actuellement très bien représentée et attractive, à un test comparatif dans le fjord de Flensburg. Six concurrentes de quatre pays ont finalement répondu à l'appel, couvrant très bien l'éventail de la classe et représentant le reste.
L'Arcona 385 de Suède a été présenté récemment comme une refonte complète du 380 (test YACHT 20/2014). Outre des adaptations esthétiques sur et sous le pont, le bateau a également été doté d'une nouvelle poupe ouverte. En tant qu'Arcona 380, la construction de Stefan Qviberg a remporté de nombreux succès en régate, surtout dans sa Suède natale, notamment une victoire éclatante au classement général de la classique longue distance "Tjörn Runt" en 2020 dans un champ de plus de 200 yachts participants.
Le Dehler 38 SQ vient d'Allemagne pour être comparé. L'ajout du nom SQ signifie "Speed and Quality" et définit une révision importante du modèle précédent, le Dehler 38, qui a été élu yacht européen de l'année en 2013. Grâce à cette mise à niveau et à un nouveau concept de gréement, le projet de la maison Judel/Vrolijk & Co est devenu encore plus sportif et offre des performances supplémentaires progressives dans des packs d'équipement attrayants (test YACHT 13/2021).
Le Faurby 370 danois est également disponible en version modifiée. Sa coque est basée sur celle du Faurby 363 (test YACHT 12/2014), mais a été rehaussée d'environ cinq centimètres lors du lifting 2020 afin d'obtenir plus de hauteur sous le pont. Le pont, le gréement et les appendices de la coque restent inchangés. Avec ses belles lignes élancées signées Lars T. et Steen Olsen, le Faurby 370 se démarque toutefois visiblement de la concurrence sur le plan de la construction.
Le dernier bateau du groupe de comparaison, le First 36 de Bénéteau en France, est aux antipodes du concept classique de Faurby. Les lignes de la coque dessinées par le constructeur Sam Manuard représentent les derniers développements de la construction de yachts moderne. L'arrière extrêmement large et l'avant particulièrement volumineux en sont la contrepartie. Le First 36 (test YACHT 9/2022) est le seul bateau du comparatif à posséder deux safrans. Comme les plus petits modèles actuels de la gamme sportive First du leader de la branche Beneteau, le nouveau 36 est construit sous licence par le chantier naval Seascape en Slovénie.
Le J 112 E a été lancé sur le marché en 2016, à l'époque en tant que nouveau développement et successeur du très réussi J 109. Comme le First 36, ce bateau aux racines américaines, construit en France par J Composites, est plutôt du côté sportif et orienté vers la performance. Le confort d'habitation et l'aptitude à la croisière sont sans aucun doute importants, mais pas prioritaires. Comme d'habitude chez J/Boats, le J 112 E est né sous la plume du chef de chantier et concepteur maison Alain Johnstone. La poupe plutôt fine, le franc-bord bas ainsi que le saut de pont prononcé correspondent à sa signature typique. Le test du J 112 E est paru dans le numéro 20/2016 de YACHT.
Le X 4.0 de X-Yachts au Danemark (test YACHT 18/2019) n'arrive qu'en dernière position dans l'ordre alphabétique. Avec sa désignation de type, il fait croire qu'il s'agit d'un 40-pieds. En réalité, il s'agit d'un 38 pieds avec une longueur de coque de 11,50 mètres, ce qui en fait le plus grand bateau du comparatif. Les lignes de la coque dessinées par le constructeur Niels Jeppesen sont modérées, les caractéristiques de design polarisées ou radicales sont absentes. C'est plutôt le langage des formes rectiligne et pragmatique qui domine. Le X 4.0 est un bateau particulièrement beau, qui attire tous les regards.
Les tests comparatifs ont eu lieu pendant trois jours sur le fjord de Flensburg dans des conditions optimales, avec un vent de 10 à 15 nœuds, parfois plus avec des rafales de 20 nœuds. Après plusieurs navigations comparatives, une image assez claire se dessine. Au portant, le First 36 moderne affiche des performances exceptionnelles. La Française est visiblement plus rapide que ses concurrentes, glisse avec son énorme gennaker dès 4 à 5 Beaufort et affiche parfois une vitesse de 15 nœuds dans les rafales. Le First 36 profite surtout de son faible poids. Prêt à naviguer, il ne pèse que 4,8 tonnes, ce qui le rend bien plus léger que ses concurrents.
Le Faurby 370, quant à lui, est à la traîne, car sa coque élancée le fait perdre sur la route du vent spatial. De plus, le bateau de test, le numéro un de la construction, est équipé d'un gennaker nettement trop petit et trop plat, qui ne permet pas d'exploiter pleinement le potentiel du bateau sur le parcours de vent spatial profond. Le Danois doit s'avouer vaincu par le vent en dessous de sa valeur.
Sur la croix, les cartes sont redistribuées. L'Arcona 385 suédois, avec son gréement haut, sa quille basse et sa bonne voilure, fait preuve d'une belle performance et parvient à prendre un peu d'avance sur le long parcours, les différences de vitesse au sein du groupe n'étant généralement pas très importantes. Après les pertes subies sur le parcours au portant, c'est surtout le Faurby 370 qui se montre étonnamment fort au près et parvient même presque à suivre le dictat de vitesse de l'Arcona 385 par moments, surtout lorsque le vent faiblit un peu entre-temps.
En comparaison, le X 4.0 et le Dehler 38 SQ semblent pouvoir courir à une meilleure hauteur que le reste du peloton. Cependant, toutes les concurrentes montrent un niveau de performance presque identique sur ce point également. Le J 122 E bénéficie d'un beaupré en fibre de carbone long (1,85 m) et extensible, ce qui permet d'utiliser plus efficacement un gennaker plus grand. L'Américaine construite en France ne peut toutefois pas égaler les performances exceptionnelles du First 36.
Les caractéristiques de navigation ressenties par les bateaux de test sont plus importantes et pertinentes que les résultats de la simple comparaison des performances. Les différences sont plus importantes et plus perceptibles. L'Arcona 385 navigue de manière visiblement rigide et pousse généralement peu à la gîte. Il semble convertir plus facilement les rafales en vitesse que ses concurrents, qui ont tendance à répondre aux poussées soudaines par une plus grande assiette. La Suédoise est également très équilibrée sur le gouvernail et peut être facilement maintenue sur le bord de près avec peu de pression sur les doubles roues. Il est donc facile pour le barreur de diriger le bateau de manière optimale. Toutefois, sur le bateau d'essai, le chantier Arcona règle intentionnellement la direction avec beaucoup de patinage. Le jeu sur la roue est désagréable et il faut s'y habituer, et le système donne l'impression d'être spongieux.
Le Dehler 38 SQ est très agréable à manœuvrer et son potentiel de performance est très rapidement exploitable. En appuyant un peu sur la barre, il donne au barreur un feedback agréable et facile à mettre en œuvre. De plus, le bateau réagit très vite à la barre et se montre vif, même dans les manœuvres. Pourtant, le Dehler est tout aussi docile, il pardonne les erreurs de pilotage et les inattentions.
Le First 36 se comporte de manière beaucoup plus délicate face au vent. La barre, avec ses safrans doubles mais plus petits, est réglée de manière très neutre, la pression sur le gouvernail est quasiment inexistante, ce qui est habituel pour les bateaux de ce type et de cette orientation. Mais cela rend plus difficile la conduite optimale du bateau au vent et exige une attention sans faille du barreur pour le bateau. A la roue, il faut travailler davantage et corriger le cap qu'avec les bateaux de la concurrence. En revanche, la sportive française offre une véritable explosion de plaisir sur le parcours de vent d'espace sous gennaker - spécialement pour le barreur. Avec ses deux safrans, il se laisse diriger vers la pression avec une grande réactivité, afin de parer sans problème les rafales toxiques et les nombreux virements de bord sur le ford de Flensburg. En barrant activement, il est possible de faire le plus gros du travail du régleur de gennaker sur le parcours au portant. C'est non seulement très amusant, mais c'est aussi un argument de poids, surtout pour une utilisation avec un équipage réduit.
En passant directement du First 36 moderne au Faurby 370 plus classique, on vit directement le changement de génération au niveau de la construction. Contrairement au First nerveux, le bateau danois navigue de manière très stable et avec une grande stabilité de cap. De plus, le Faurby élancé se déplace presque silencieusement dans le vent, ne laissant que peu de turbulences dans l'eau à l'arrière. Il y a là quelque chose d'un peu plus solide, que l'on connaît peut-être en naviguant avec des classiques. Le Faurby est le seul bateau de la comparaison à être équipé d'une barre franche. Le danois se laisse diriger de manière précise et très sensible le long du bord du vent avec une pression de barre équilibrée. Sous gennaker, et plus particulièrement dans les rafales, la barre franche du Faurby a tendance à partir brusquement d'un côté si l'on ne tient pas fermement et durablement le palonnier.
Avec son immense roue de gouvernail (1,50 mètre de diamètre), le J 112 E occupe une place à part. Les grandes roues sur les bateaux de performance sont généralement passées de mode au profit de doubles colonnes de direction - malheureusement, comme l'Américaine construite en France peut une fois de plus le constater en comparaison directe. Le maniement du gouvernail est un rêve. Le simple levier permet de régler la direction de manière extrêmement directe et très sensible, la grande roue n'a même pas besoin de faire un tour complet de butée à butée. Le moindre mouvement sur la commande entraîne un changement de cap immédiat, ce qui met le barreur à l'épreuve et l'oblige à se concentrer.
Sur le X 4.0, on ressent un peu plus de pression à la barre que sur les voiliers concurrents, aussi bien au près que sous gennaker, ce qui n'est pas forcément un inconvénient pour les performances ou le comportement à la barre, mais peut s'avérer un peu plus pénible à la longue pour le barreur. Le poids élevé du X est également perceptible. Avec 8,1 tonnes de charge prête à naviguer, c'est le bateau le plus lourd du groupe de comparaison. C'est pourquoi le Danois se comporte un peu plus difficilement, en particulier au portant. Les kilos du X 4.0 ne sont pas le fruit du hasard. La part de lest dans la quille en T (3,1 tonnes, 38%) est plus élevée que chez les concurrents (à l'exception de Faurby avec 39%) et est en outre placée efficacement comme torpille en plomb sur la quille en T profonde. Le X 4.0 navigue ainsi de manière sensiblement rigide, ce qui se traduit par une très bonne hauteur au vent.
Pour l'essentiel, les bateaux de test présentent un agencement de cockpit assez uniforme sur le plan fonctionnel. Cela signifie que les winchs d'écoute primaires et secondaires pour le génois (à l'avant) et l'écoute de grand-voile (à l'arrière) sont placés sur le côté ou derrière le tableau de bord, que des winchs supplémentaires sont placés sur le côté de la descente pour les drisses, les trims et les ris, et qu'un long chariot est placé sur le plancher arrière du cockpit devant les montants de barre. Cela correspond à l'agencement habituel et maintes fois éprouvé pour les cruisers de performance de taille moyenne. Le Faurby 370 fait exception à la règle : dans sa version standard avec barre franche, la grand-voile est réglée par un palonnier à réglage fin, ce qui est simple et rapide. Toutefois, la Danoise est également disponible sur demande avec une barre à roue. Dans ce cas, l'écoute de grand-voile est également manœuvrée via les winches d'écoute arrière sur le plat-bord. En outre, le Faurby présente un cockpit classique et étroit avec de longues hausses et un cockpit bas. Sur les autres bateaux concurrents, le cockpit reste ouvert à l'arrière. Pour le X 4.0 et le Dehler 38 SQ, de grands volets de bain sont en outre disponibles pour fermer la poupe. Pour la croisière, c'est une option judicieuse.
Dehler et Arcona équipent leurs bateaux d'un système d'écoute de grand-voile dit German-Cupper. L'écoute est guidée le long de la bôme jusqu'au mât et de là, à travers le pont, elle revient dans le cockpit sur les winchs arrière. Ces systèmes sont certes faciles à utiliser et convainquent par leur légèreté, mais ils impliquent aussi de très longues courses d'écoute avec un allongement inévitable, ce qui rend le réglage fin et le réajustement de l'écoute plus difficiles, en fonction bien sûr de la qualité du matériau de l'écoute.
Les systèmes d'écoute de grand-voile sont plus précis et plus efficaces lorsqu'ils sont déviés directement sur les winches latéraux par le Traveller avec une démultiplication de 2:1. D'une manière générale, ces systèmes reviennent sur le devant de la scène en tant que bonne alternative au système German-Cupper. Dans le groupe de comparaison, ils sont mis en œuvre sur les modèles les plus récents comme le First 36, sur le J 112 E ainsi que sur le X 4.0. Cependant, l'écoute doit être déviée plusieurs fois sur de petits angles sur le court trajet entre le chariot et le winch, ce qui augmente les frottements. En outre, sur les trois bateaux, le chariot d'écoute se bloque en cas de forte traction sur l'écoute de grand-voile, car la fonction Traveller implique le déplacement de tout le système d'écoute de grand-voile.
Le J 112 E et le First 36 sont destinés aux régatiers ambitieux qui aiment naviguer de manière active et sportive et qui règlent beaucoup. Sur les deux bateaux, le barreur et le régleur d'écoute de grand-voile sont assis côte à côte, confortablement, en toute décontraction, avec une liberté de mouvement suffisante et un bon maintien. De plus, ils ont toutes les possibilités de réglage (écoute de grand-voile, pataras, chariot) à portée de main et peuvent travailler efficacement. De plus, ces deux bateaux répondent également aux exigences des navigateurs qui naviguent de plus en plus à une ou deux mains. Les roues de gouvernail sont montées à distance du pont latéral de manière à ce que le barreur puisse facilement se glisser vers l'avant.
L'inconvénient sur la J 112 E : la grande roue unique est relativement éloignée de la position assise du barreur et oblige ainsi à adopter en permanence une position penchée vers l'intérieur sans grande marge de manœuvre pour se détendre. Sur les longues manœuvres, cela peut être fatigant. Pour le First 36, les Français ont trouvé une meilleure solution en surélevant les deux postes de pilotage et en plaçant les roues plus haut. Cela peut paraître étrange au premier abord, mais c'est très utile. Cependant, les deux hautes colonnes de direction sont assez instables et ne permettent pas de s'accrocher dans la houle.
Sur les bateaux d'Arcona, X-Yachts et Dehler, le taud de cockpit est tiré plus en arrière, juste devant les montants de barre. Dans tous les cas, les winches d'écoute de grand-voile sont ainsi facilement accessibles par le barreur, même s'il est bloqué derrière les roues très avancées. Sur le Dehler 38 SQ en particulier, l'équipage est confortablement assis sur le haut du bateau, les fesses au-dessus de la bordure de la coque arrondie et inclinée vers l'extérieur, d'où il peut commander le winch de grand-voile.
Sur le J 112 E, la position assise de l'équipage à bord est également détendue en raison des coques de cockpit plutôt plates, et les winchs restent ici aussi facilement accessibles. Dans le reste de la compétition, les coques sont nettement plus hautes et plus anguleuses. S'asseoir longtemps sur le haut du bateau est fatigant et pénible, même avec beaucoup de gîte. Il est donc préférable de s'asseoir de temps en temps sur les côtés du cockpit ou, mieux encore, de s'asseoir sur le bord haut, les jambes vers l'extérieur, comme on le ferait de toute façon pendant une régate.
En ce qui concerne l'utilisation des winchs primaires pour l'écoute de génois, le First 36 remporte tous les points attribuables. Grâce à l'énorme largeur arrière et au cockpit largement découpé à l'arrière, le régleur de génois peut se placer directement derrière le winch et manœuvrer de manière ergonomique et efficace, à bonne hauteur et avec une vue sur la voile à régler. Pour améliorer encore cette ergonomie, le chantier naval a en outre monté le winch avec une légère inclinaison. C'est très bien fait ! Mais cela ne fonctionne sur le bateau français que si les coffres à poussière disponibles en option ne sont pas installés dans le cockpit. Les coffres peuvent être utiles pour les croisières en famille, mais pour la navigation sportive, ils sont plus gênants qu'utiles. Heureusement qu'ils peuvent être retirés en un tour de main et laissés à terre.
Conclusion après la première partie du test de groupe : les six yachts comparés ont tous leurs mérites sous voile, les avantages et les inconvénients s'équilibrent. C'est pourquoi aucun des protagonistes n'aborde la deuxième partie avec un avantage clair, où le thème du prochain numéro sera le confort et l'habitat. Une chose est sûre : le suspense reste entier !
Arcona 385
Dehler 38 SQ
Faurby 370
First 36
J 112 E
X 4.0
Toutes les parties du comparatif des cruisers de performance