C'est avec une grande inquiétude que de nombreux skippers regardaient hier, en écoutant les nouvelles du bord, ce passage d'un front de tempête qui soumet leurs bateaux à des contraintes importantes si tôt dans la course, avec le risque de subir de petites avaries préalables qui pourraient entraîner des casses par la suite.
Et c'est ce qui s'est passé, du moins pour Armel Tripon et son "L'Occitane" - la drisse de son J 3 a cédé. "La voile est tombée sur le pont, mais j'ai pu la récupérer", explique le skipper à son équipe. Il navigue à présent sur environ 250 milles nautiques jusqu'à La Corogne, où il compte jeter l'ancre pour réparer seul les dégâts et repartir en course. C'est le troisième skipper, après Fabrice Amedeo et Arnaud Boissier, à rencontrer des problèmes avec les loquets des voiles d'avant. Ces défauts sont extrêmement dangereux, car ils signifient généralement que soit la voile est bloquée au niveau du mât et ne peut pas être récupérée, ce qui peut entraîner des dommages sur la voile ou le gréement en cas de tempête, soit, dans le pire des cas, elle tombe à l'eau et est ensuite traînée, ce qui la rend souvent inutilisable. Pour récupérer et réparer la drisse, le skipper doit presque toujours monter dans le mât, ce qui n'est possible que par mer très calme.
Comme Boris Herrmann l'a dit dans l'interview qu'il a accordée à YACHT avant la course, il craint lui aussi de telles défaillances et a donc prévu des loquets de rechange à bord - chacun pour le prix d'une petite voiture neuve.
Le Français Kevin Escoffier a également des problèmes : de l'eau s'est infiltrée dans le bateau via une vanne défectueuse de la dérive de son "PRB". Dans une vidéo prise à bord, l'eau traverse le bateau. Il veut toutefois résoudre le problème aujourd'hui, après le virement de bord.
La réaction la plus cohérente, mais aussi la plus surprenante, a été hier celle de la franco-allemande Isabelle Joschke ("MACSF"). Elle a été la seule à décider d'éviter le pire temps du front et à virer de bord en direction des côtes portugaises.
"J'avais dit que je serais prudent et que je ne naviguerais que dans des conditions gérables. Si nous devons donc naviguer sur une autre route que les autres, je le ferai", avait annoncé Joschke hier et il s'y est tenu. Une décision cohérente en termes de navigation, ce qui est plutôt rare en Vendée et qui demande du respect. En revanche, elle devra se classer en queue de peloton.
Le reste du peloton, quant à lui, poursuit sa route, divisé en un groupe de trois au nord, dont le leader Thomas Ruyant sur "Linked Out" a déjà traversé le front, en tout cas son indicateur de vent dans le tracker indique déjà nettement moins de vent de direction nord-ouest et il a déjà pu virer vers le sud. Pendant ce temps, la plupart des autres bateaux ont encore du vent du sud-ouest. Sébastien Simon ("Arkéa Paprec") et Louis Burton ("Bureau Vallée 2") sont sur ses talons.
Juste derrière, un peu plus au sud-est, Boris Herrmann est dans un groupe de quatre avec le "Hugo Boss" d'Alex Thomson, le "Apivia" de Charlie Dalin et le "PRB" de Kevin Escoffier. Il est ainsi parfaitement dans la course et tient tête aux tout nouveaux foilers.
La journée d'aujourd'hui sera passionnante lorsqu'il sera clair où le groupe du sud passera le front, qui est actuellement en tête du classement en raison de sa position plus au sud. Un seul des bateaux à foiler de tête, "Corum L'Épargne" de Nicolas Troussel, a suivi cette variante tactique qui consiste à passer le front dans une zone un peu plus faible. Le Français de 46 ans, issu de la série Figaro, est considéré comme un fin tacticien qui navigue toujours seul loin du peloton avec des variantes de parcours étonnantes et qui réapparaît ensuite soudainement en tête avec une avance. Dans le milieu de la régate française, il y a même une expression consacrée pour cela : faire un "troussel". Nous saurons ce soir ou demain matin, lorsque les deux groupes prendront la direction du sud, s'il y est parvenu cette fois encore.