Jochen Rieker
· 06.11.2024
Pour se familiariser avec les instructions de course, les règles de course, les règles de classe et tous les autres règlements qui s'appliquent à la plus grande course en solitaire du monde, il faut du temps. Beaucoup, beaucoup, beaucoup de temps !
Seul les documents officiels prescrits par les organisateurs avec les annexes et les références croisées s'élèvent déjà à 17 (jusqu'à présent !). Après-demain, pour le briefing du skipper, la prochaine version suivra. Au total, cela représente plus de 100 pages d'une matière parfois difficile.
Des règles externes s'appliquent également à la régate, notamment les Imoca Class Rules, les Offshore Special Regulations selon la catégorie 0, les règles de course internationales de World Sailing ainsi que les règles anticollision (KVR), avec ici et là des dérogations spécifiques à la Vendée.
Nous ne citerons ici que quelques-unes des plus pertinentes pour les skippers et les fans, ainsi que quelques-unes pour les nerds de la régate. Entrons donc dans le vif du sujet !
La simplicité de son concept est considérée comme l'un des garants du succès du Vendée Globe. Un homme, un bateau, un tour du monde sans escale, des Sables aux Sables, d'ouest en est. C'est un projet audacieux et archaïque, une formule aussi accrocheuse que révérencieuse. L'Everest sans sherpas, sans oxygène.
Mais que faire si des skippers doivent s'arrêter pour cause de blessure ou de rupture ? Et si vous avez besoin de conseils pour pouvoir continuer à naviguer ?
C'est là que les choses se corsent.
Dans la Notice of Race (supplément 7 du 30 octobre), les organisateurs précisent au point 4 ("Bases") que le Vendée Globe est réservé au "principe général" est une "course autour du monde sans arrêt et d'une seule main, sans soutien extérieur". En fait, il existe un certain nombre d'exceptions.
Sauf sur un point : seul signifie vraiment seul au monde. Afin que personne ne se fasse de fausses idées, le point 4.1 exclut même le transport d'animaux. Les "migrants", comme les oiseaux de mer qui veulent souffler sur le pont, ne sont bien sûr pas concernés par l'interdiction, pas plus que les poissons volants. En revanche, Guirec Soudée ne pourrait pas emmener sa poule, avec laquelle il a déjà fait le tour du monde à la voile, et Boris Herrmann doit laisser son intrépide chienne "Stormy Lilly" à la maison.
Les autres règles sont plus délicates que l'obligation de naviguer en solitaire. Sur deux pages et demie, le point 4.3 indique quelle aide extérieure est autorisée, mais surtout laquelle est strictement interdite.
Les skippers doivent déclarer "par signature et sur l'honneur", sur un formulaire prévu à cet effet (Annexe 1), qu'eux-mêmes, mais aussi leurs équipes, leurs sponsors, leurs familles et leurs amis suivront ces dispositions. Ainsi, le sport doit rester propre, ce qui ne semble pas si trivial à l'époque de la connexion à large bande via Inmarsat et Starlink.
Tout ce qui peut influencer les performances des bateaux ou des skippers est mis à l'index : Le routage météo à partir de la terre, les conseils tactiques ou pratiques sur le choix des voiles et les réglages. Le coaching mental et les conseils psychologiques prodigués par des professionnels dans ce domaine en font explicitement partie ; la conversation d'encouragement avec le partenaire ne fait en revanche pas partie des interdictions. Les navigateurs peuvent également regarder des vidéos sur Netflix, écouter Spotify ou même regarder un match de coupe d'Allemagne en streaming s'ils en ont envie.
Le détail des interdictions fait suite à des suspicions du passé. Ainsi, après le dernier Vendée Globe, Clarisse Cremer a été injustement accusée d'avoir discuté du routage avec son mari, Tanguy Le Turquay, qui sera lui-même au départ cette fois-ci. Le couple a dû dévoiler toutes ses communications via WhatsApp pour se défendre de cette accusation.
Pour cette dixième édition, il en va de même : le comité de course peut, si nécessaire, demander à tout moment l'intégralité des échanges entre le skipper et ses proches ou ses coéquipiers. La Vendée s'éloigne ainsi un peu plus du vieux principe gentleman selon lequel on ne triche pas dans le sport, ce qui est sans doute inévitable dans le cadre de la professionnalisation et des budgets faramineux.
Le fait qu'un programme de routage encore autorisé lors du Vendée Globe 2020, "Dorado", ait été interdit entre-temps montre à quel point le sujet est sensible. Aujourd'hui, il est à nouveau autorisé, car le fabricant avait accepté, spécialement pour la course, de ne l'activer que par le biais de dongles individuels. Certaines équipes craignaient qu'avec une seule et même licence, non seulement le skipper mais aussi un expert en routage puissent travailler à terre et que l'un prépare ce que l'autre n'a plus qu'à appeler. Ce qui est quelque peu absurde, car Dorado a de toute façon automatisé de nombreuses étapes du processus.
Même en cas d'urgence médicale, le protocole est strict. Toute personne ayant besoin d'aide ne peut s'adresser qu'à l'un des médecins de la course ou à un doc personnel à définir au préalable.
Les conseils techniques sont certes autorisés pour réparer les problèmes à bord ou pour remédier aux conséquences d'une avarie. Mais là encore, le comité de course prend connaissance de la situation, par exemple lorsque des composants de conception unique sont concernés, comme le mât, la bôme, le coffrage du pont ou le système hydraulique de la quille, ou lorsque le problème affecte la trajectoire et la vitesse du concurrent.
Les arrêts d'urgence sont également soumis à des conditions strictes : ils ne sont possibles qu'au mouillage ou devant des lignes de terre si celles-ci sont amarrées à des arbres ou des rochers à l'intérieur de la rive. En revanche, l'amarrage est en principe interdit sur les pontons ou les bouées.
Le point 5 de la Notice of Race montre clairement que "nonstop" ne signifie pas vraiment sans arrêt. En accord avec le comité de course, les participants peuvent retourner aux Sables peu après le départ en cas de problèmes précoces ; les bateaux peuvent même être remorqués dans un rayon de 100 milles nautiques. Après l'accostage, il reste alors dix jours maximum pour les réparations. Ceux qui mettent plus de temps seront considérés comme DNF (Did Not Finish).
Cette exception est due au fait que le temps dans le golfe de Gascogne peut souvent être maussade début novembre, et parce que sinon tout l'effort d'une campagne de quatre ans serait perdu après quelques heures. Elle a déjà été utilisée à plusieurs reprises.
On n'oubliera pas le retour de Michel Desjoyeaux qui, en 2008, a fait route vers Les Sables avec quatre autres skippers sinistrés ; 41 heures plus tard, il reprenait le cap - et finissait par gagner.
Lors du dernier Vendée, c'est Jérémie Beyou qui est rentré au port de départ avec "Charal" après avoir subi des avaries sur le pont. Les réparations ont duré plus de neuf jours ; Beyou, qui était parti comme le grand favori, a dû remonter le peloton depuis l'arrière et a finalement terminé 13e.
Les départs anticipés ne valent d'ailleurs en aucun cas la peine. En effet, il est explicitement interdit de les corriger, ce qui déclencherait un chaos monstre. Celui qui franchit la ligne trop tôt écope directement d'une pénalité de quatre heures à purger avant de passer la latitude de 40 degrés 40 minutes nord, dans une zone maritime de 10 milles de diamètre surveillée par le Race Management via un tracker GPS.
Le règlement laisse également une marge de manœuvre pour l'arrivée en fonction des conditions météorologiques. Si une tempête de vaches s'abat sur les côtes de l'ouest de la France et que des mers déchaînées au large des Sables empêchent toute arrivée, le comité de course peut définir une porte virtuelle où le chronométrage sera effectué. Les skippers devraient alors s'amarrer plus loin en mer ou éviter le gros temps.
Contrairement aux premières courses de la régate culte, pendant lesquelles les skippers étaient libres de choisir leur route, le Vendée Globe ressemble désormais à un slalom à travers plus d'une demi-douzaine de zones interdites, notamment dans l'Atlantique Nord et Sud.
Certes, les zones de séparation de trafic devaient déjà être respectées auparavant. Mais aujourd'hui, il existe pour la première fois des zones maritimes protégées qui doivent être contournées. Mais c'est la limite des glaces qui joue le rôle le plus important. Elle limite tellement les possibilités tactiques des participants de se diriger vers le sud et de raccourcir ainsi le parcours qu'il n'est pas du tout certain qu'un nouveau record de parcours puisse être établi malgré les performances nettement supérieures des foilers actuels.
La position exacte de la limite des glaces sera communiquée pour la première fois le jeudi 8 novembre lors du briefing des skippers. Elle sera toutefois adaptée en permanence à la situation de danger réelle à l'aide d'images satellites.
Le comité de course peut d'ailleurs modifier le parcours en cas de tempête ou de conflit politique. Toute modification doit être communiquée au préalable par mail à tous les concurrents concernés ainsi qu'à leurs chefs d'équipe, qui doivent la confirmer.
Les bateaux les plus rapides sont attendus vers la mi-/fin janvier, le gros des troupes en février. Afin que les organisateurs et les officiels n'aient pas à attendre pendant des mois d'éventuels retardataires, le temps limite est toujours celui du dernier arrivant du Vendée Globe précédent. En 2021, il s'agissait de celui du Finlandais Ari Husela, 25e à revenir aux Sables d'Olonne après 116 jours et 18 heures de course. Il a ainsi fixé la limite de temps applicable cette fois-ci. Ari a mis une semaine de plus que Titouan Lamazou, le premier vainqueur de l'histoire de la Vendée en 1989-90.
Nous avons déjà évoqué les risques encourus en cas de départ anticipé. Mais il y a bien sûr toute une litanie d'autres infractions possibles qui peuvent ou doivent être sanctionnées, y compris le non-respect des directives sur la non-assistance ou le non-respect des zones d'exclusion.
Si une collision entre concurrents favorise l'un des skippers impliqués, ce dernier peut demander au jury une pénalité de temps plutôt qu'une disqualification.
Pour les pénalités de temps, il existe des latitudes clairement définies, en fonction de la zone maritime dans laquelle la personne concernée navigue actuellement au moment où le jury rend son verdict, et jusqu'auxquelles la régularisation doit être effectuée.
Cela comprend également les pénalités pour rupture des scellés de l'arbre de transmission de l'hélice (jusqu'à 120 min), de la réserve de secours pour le diesel ou l'eau potable, de l'ancre et du radeau de sauvetage (jusqu'à 60 min chacun).
Il existe, même si ce n'est que symbolique. En fait, tous les team managers et skippers disposent d'un numéro d'urgence confidentiel leur permettant d'appeler la direction de course jour et nuit. Ce numéro doit également être enregistré dans le téléphone portable Iridium, qui fait partie de l'équipement obligatoire. Parallèlement, il est possible de contacter directement les officiels via une adresse e-mail.
Dans les jours qui précèdent le départ, plusieurs briefings sont organisés pour discuter des règles de communication en cas d'accident ou d'avarie entre la direction de course et les chefs d'équipe. Le sérieux et la méthodologie avec lesquels sont évoqués les pires scénarios possibles rappellent un aspect du Vendée Globe qui peut facilement se perdre dans l'activité joyeuse et colorée du Village de la Course, entre les exercices d'escalade de mât et les saucisses au barbecue.
La rapidité avec laquelle la course peut connaître un "incident code rouge" a été démontrée il y a quatre ans, lorsque Kevin Escoffier a dû quitter en quelques minutes son "PRB" complètement affalé et monter dans le radeau de sauvetage en mer du Sud. Jean Le Cam l'a finalement retrouvé, ce qui tenait du petit miracle. Espérons que cette fois-ci, la Vendée ne connaîtra pas un tel drame. Les aventures "normales" sont de toute façon suffisantes.
Nous laissons de côté l'aspect vestimentaire, car c'est le seul qui n'est guère réglementé. Seule une combinaison de survie fait partie de la garde-robe obligatoire sur les Imoca, plus une ligne de vie et un gilet de sauvetage. Mais même ainsi, il y a encore suffisamment à apporter à bord. Le carburant, par exemple.
Les skippers stockent environ 200 litres de diesel. Ils disposent certes de sources d'électricité alternatives avec des hydrogénérateurs et des panneaux solaires, mais dans la grisaille des mers du Sud, l'intensité lumineuse ne suffit souvent pas pour obtenir des rendements solaires élevés et les hydrogénérateurs risquent de se couper en cas de navigation rapide. C'est pourquoi nous avons encore besoin du jock, qui est d'ailleurs nécessaire selon les règles de la classe.
En effet, pour pouvoir porter secours aux autres en cas de besoin ou pour se dégager d'une avarie de Legerwall, les Imocas doivent courir au moins cinq nœuds pendant cinq heures - même à la fin de la course, raison pour laquelle il faut avoir au moins 20 litres de diesel dans le réservoir après avoir franchi la ligne d'arrivée. Sinon, vous vous en doutez : pénalité de temps.
Huit voiles au maximum sont autorisées sur la Vendée, dont une doit être un foc de tempête de couleur de signalisation. Avec la grand-voile, les focs enroulables J3 et J2, quatre des huit sont déjà réglés. Les quatre autres sont des voiles de code et des spis asymétriques. Nous discuterons de ce répertoire plus en détail au cours de la course.
Vendredi est la date limite pour le choix des toiles ; mais la plupart des skippers se sont déjà décidés depuis longtemps. Mais ils n'en parlent pas. L'une des questions les plus importantes, qui intéresserait sans aucun doute de façon brûlante la compétition, est la suivante : qui emporte un grand spi A2 pour les parcours profonds par vent faible ou moyen ?
Il peut être un vrai plus dans les calmes, mais sinon il reste généralement dans le sac et est en outre extrêmement lourd et encombrant. De plus, on n'a pas envie de l'avoir dans le gréement quand une rafale de 25 nœuds s'abat soudain sur le bateau. Il sera intéressant de voir qui a la "grosse Bertha" à bord. C'est ainsi que Pip Hare appelle son monstre.
Et à part ça ? Abondamment !
Au total, près d'une demi-tonne d'équipement et de provisions sont embarqués pour le tour du monde : outils, toile à voile, bandes de stratifié, lattes de voile en fibre de carbone et panneaux, rubans adhésifs, colle, résine - la partie bricolage remplit à elle seule plusieurs sacs de rangement. La pharmacie de bord a une valeur d'un peu plus de 2.500 euros et pourrait probablement soigner toute la population d'une île des mers du Sud pendant six mois.
Les amateurs de navigation classique seront peut-être surpris, mais surtout ravis, de constater que les organisateurs prescrivent également toutes sortes d'outils nautiques : par exemple un répertoire des phares, des cartes marines pour l'ensemble du parcours ainsi que des cartes détaillées des îles et des ports importants le long du parcours. Un modèle du genre ! La WaschPo peut donc venir tranquillement après le Cap Horn...
Les critères minimaux ne s'appliquent pas seulement aux bateaux et à l'équipement, mais aussi à l'équipage. Ainsi, le skipper doit présenter un certificat médical datant de moins de deux ans, accompagné de résultats de laboratoire complets, ainsi qu'une échographie du système cardio-vasculaire et, en cas d'antécédents médicaux, un certificat séparé. Un test de stress est même exigé.
Les remplaçants s'en sortent plus facilement. Le critère de qualification le plus important pour eux est d'avoir participé à au moins une des régates préliminaires de l'Imoca Globe Series. Pour Will Harris, qui a fait son sac de marin chez Team Malizia au cas où son patron serait absent à la dernière minute, il s'agissait de la Transat Jacques Vabre. Pour Yoann Richomme, c'est Yann Ellies qui se tient prêt, et pour Clarisse Cremer, le Britannique Alan Roberts. Pratiquement toutes les équipes de haut niveau ont un skipper plan B. Les budgets, qui oscillent entre 15 et 25 millions d'euros pour un cycle complet de quatre ans, sont tout simplement beaucoup trop importants pour cela.
Si le règlement du Vendée Globe est si complet, c'est aussi parce que la course au large sans doute la plus importante au monde enferme ses participants dans un corset serré de rendez-vous obligatoires. Certains de ces événements incontournables ne servent qu'au marketing et à la présentation télévisée, ce qui intéresse également les sponsors des équipes.
Ainsi, depuis la mi-octobre, les équipes et leur bateau doivent être au port de départ pour servir de scène aux trois à quatre millions de visiteurs attendus aux Sables d'Olonne, une petite ville de moins de 50.000 habitants. Le départ n'est possible que pour des coups d'essai, qui doivent être annoncés au préalable.
Au cours des trois semaines qui nous séparent de dimanche prochain, de nombreux rendez-vous de relations publiques s'enchaîneront, comme l'incontournable photo de groupe. Les absents s'exposent à des amendes parfois très lourdes. Peut-être regarderez-vous attentivement si vous découvrez tout de suite le trou dans la photo de cette année.
D'autres obligations visent à assurer le bon déroulement de l'événement. Nous avons déjà évoqué les briefings sur la communication d'urgence. Mais il y en a une bonne dizaine d'autres, par exemple pour les conducteurs des bateaux accompagnateurs qui doivent rester dans un certain couloir au départ, ou encore la réunion du lundi pour annoncer la limite des glaces, et bien sûr le vendredi le "Departure Briefing" pour les skippers, au cours duquel l'emplacement de la ligne de départ est également annoncé.
Si une équipe manque l'un des rendez-vous obligatoires importants, les amendes pleuvent et atteignent facilement 5.000 à 10.000 euros. Pour les grands, cela peut rester dans le domaine de la "petite caisse", mais les petits peuvent être durement touchés, raison pour laquelle leur participation est généralement exemplaire.
Il n'y a qu'une date à laquelle ils seront tous de la partie, sans astreinte ni pénalité : le dimanche 10 novembre à 13h02. C'est à ce moment-là que les choses commencent enfin !