Les dents dans les lignes de parcours des 38 participants du Vendée Globe, on les craint toujours - surtout dans des phases comme celle-ci, où presque tous les skippers rapportent des conditions difficiles et où leurs bateaux commencent à être sensibles aux malaises.
Aujourd'hui, en fin de matinée, Justine Mettraux a soudain pointé son étrave vers le sud, loin du vent. Actuellement dixième, elle va ainsi offrir des milles à Boris Herrmann, qui est de toute façon sur une lancée. Avec une distance parcourue de 483 milles, il lui a déjà arraché 35 milles depuis hier. On ne sait pas encore ce qui a poussé la Suissesse à faire demi-tour. Il pourrait s'agir tout simplement d'un contrôle approfondi du bateau ou d'un changement de voile ; mais bien sûr, une avarie n'est pas non plus improbable.
Boris a annoncé lui-même ce matin, après avoir déballé son cadeau de Saint-Nicolas (des étoiles à la cannelle), qu'il devra bientôt ralentir pour terminer la réparation de son foc de travail. Il aura en effet besoin du J2 dans les conditions de reaching rapides qui l'attendent, lui et ses compagnes immédiates : outre Justine, Sam Davies et Clarisse Crémer.
La Française a montré qu'elle était de nouveau en forme le matin : Après deux longues siestes dans la nuit, elle a visiblement laissé derrière elle la fatigue due à la réparation du palier supérieur du foil. Cinquième au classement actuel des 24 heures, elle veut tout mettre en œuvre pour revenir sur ses concurrents les plus proches. Il est possible que la performance courageuse de son mari lui ait donné des ailes.
Tanguy Le Turquais ne cesse en effet d'impressionner. Le skipper de "Lazare", aguerri à la classe Figaro et qui en est à son premier Vendée Globe, a encore gagné une place depuis hier et navigue désormais en 18e position, au cœur d'une petite mais redoutable tempête.
Comme beaucoup d'autres, comme Isabelle Joschke et Jean Le Cam, ont fait 250 bons milles vers le nord, Tanguy a un avantage tactique non négligeable, d'autant plus qu'il est sorti de la partie la plus forte du courant des Aiguilles, alors que ses poursuivants doivent encore le traverser deux fois, ce qui peut entraîner des mers croisées et augmenter le risque de collision avec des baleines ou des objets flottants. Une belle course jusqu'ici !
Et puis il y a bien sûr Charlie Dalin : premier, incontesté, et de loin le plus rapide sur les dernières 24 heures. Il continue à longer la frontière des glaces vers l'est et a déjà distancé Seb Simon de près de 200 miles nautiques, ce qui le place en deuxième position. Il est certes encore à une distance d'un jour du record de Vendée détenu jusqu'à présent par Armel Le Cléac'h, mais il devance déjà de 2000 milles le site de Yannick Bestaven il y a quatre ans.
Il ne fait aucun doute que, quelle que soit l'issue de la course, sa décision de rester devant la tempête restera une référence en matière de détermination et d'excellence de la navigation dans les années à venir. Charlie est un skipper qui peut faire la différence. Et c'est une nouvelle preuve de son statut exceptionnel.
Même Yoann Richomme, Thomas Ruyant et Jérémie Béyou, dans leurs commentaires depuis le bord, laissaient entrevoir, entre les lignes ou explicitement, à quel point ils avaient du mal avec la situation actuelle, à quel point la décision tout à fait courageuse de Charlie et de Seb les faisait douter de la leur.
Les prochaines heures seront les plus difficiles pour Béyou, Nico Lunven, Paul Meilhat, Sam Goodchild et Yannick Bestaven, car ils sont tombés de l'arrière de la dépression dans un pont anticyclonique. Alors que c'est l'instabilité du vent qui leur a donné du fil à retordre pendant la nuit, ils manquent désormais globalement de propulsion. C'est une bonne chose pour Boris - il ne peut certes pas se rapprocher directement, mais il peut réduire l'écart avec les positions neuf à cinq dans les prochains jours.