Boris Herrmann
· 12.01.2025
Comment je me sens en ce moment ? Plutôt bien, en fait. Je gère plutôt bien la situation. Il faut voir le bon côté des choses. On ne s'ennuie pas ici. C'est un beau challenge. Si le Vendée Globe était facile, ce ne serait pas le Vendée Globe. Je suis épuisée par les trois actions de la semaine dernière. Maintenant, on passe à autre chose !
Parfois on gagne, parfois on perd. J'avais bien gagné, j'étais à 25 miles de la quatrième place. Et puis j'ai perdu un peu de terrain. Alors bien sûr, on peut se laisser aller à la pitié et à la douleur, mais j'essaie de l'éviter. Cela demande un peu d'effort, parce que les pensées sont là : Oh, merde, maintenant j'ai perdu 300 milles sur Sam Goodchild, avec qui j'étais depuis toujours, toujours si près derrière, 30 milles, 50 milles, dix milles. J'ai réussi à le garder depuis le Cap Horn. Et maintenant, il est parti.
Ce n'est pas génial de s'affaisser derrière en course. Et ça ne m'est pas égal non plus". Boris Herrmann
J'essaie activement de retourner l'image et de voir tout ce qui est positif, sans pour autant nier la réalité. Mais il faut toujours avoir un état d'esprit positif et regarder vers l'avant. La comparaison avec mon premier Vendée Globe ? Les deux Vendée Globes sont très différents ! Je pense que ma performance actuelle est plus élevée que la dernière fois.
En tant que projet, c'est aussi une plus grande réussite, avec une construction navale propre qui a largement fait ses preuves, une campagne réussie et, jusqu'à présent, un assez bon classement. Il y a un instant, j'étais encore à un coup de la quatrième place. Maintenant, avec la neuvième, dixième place, peut-être la huitième, cela ne semble peut-être pas aussi fort sur le papier que la dernière fois, mais c'est plus fort de mon point de vue.
Je me sens beaucoup mieux mentalement avec ce Vendée Globe. Je n'ai plus de problèmes de solitude, moins de problèmes de stress. J'ai déjà été deux fois dans le mât, je n'avais plus le vertige dernièrement. En ce sens, j'ai presque l'impression que ce que j'ai fait jusqu'à présent est un plus grand succès.
Plus que lors du premier Vendée Globe, où le peloton n'était pas comparable à celui d'aujourd'hui. Il n'y avait que deux concurrents d'un niveau comparable : Thomas et Charlie. Tous les autres ont été éliminés ou n'étaient pas aussi forts. Et on voit aussi dans le peloton où se trouvent ceux avec lesquels nous nous sommes battus la dernière fois : Jean Le Cam, Giancarlo Pedote et d'autres sont à des milliers de kilomètres derrière nous.
La flotte ici est comme un champ de Figaro". Boris Herrmann
Maintenant, nous avons un peloton de dix coureurs. Jérémie était là la dernière fois, mais il n'a pas pu participer. Justine est très forte en ce moment, Sam Goodchild ! La flotte devant est comme un champ de Figaro. C'est beaucoup plus fort que d'habitude.
C'est pourquoi, je pense que ma performance est nettement supérieure à celle du dernier Vendée Globe : la performance de navigation dans cette flotte. Nous naviguons aussi beaucoup plus vite. Et bien sûr, les bateaux ont des points faibles et des points forts très différents. En ce sens, je ne comparerais pas tant que ça les deux éditions. Ce sont deux expériences et deux courses très différentes.
Lorsque les leaders franchissent la ligne d'arrivée en début de semaine, ils ont réalisé une belle performance ! Mais il y a aussi eu le grand écart dû à cette situation météorologique. On ne peut pas convertir directement les jours en performance, dire qu'ils ont été meilleurs de tel ou tel pourcentage parce qu'ils sont arrivés tant de jours avant.
Thomas Ruyant, par exemple, navigue avec moi. Il est tout aussi bon. Il était tout près, deuxième au premier cap. Il a peut-être raté de cinq milles nautiques, à la fin de l'océan Indien, le saut pour entrer dans ce système météo. Et il s'est retrouvé coincé dans ce pont anticyclonique. Et c'est ainsi qu'il se trouve aujourd'hui.
Il y a tout simplement eu un énorme split météorologique lors de ce Vendée Globe. Il faut le dire. Cela n'enlève rien à la performance des gens qui sont devant, mais il faut savoir l'évaluer. Ce n'est pas comme s'ils naviguaient tout le temps plus vite et que nous étions ici en train de faire n'importe quoi et d'être lents. Il y a justement eu plusieurs grosses ruptures météorologiques sur ce Vendée Globe.
Comment va mon bateau actuellement, qu'est-ce qui manque ? Il manque par exemple le radar. Environ deux tiers de l'électronique a disparu depuis la foudre. Il vaut mieux dire ce qui est encore là : J'ai un ordinateur, un écran, le deuxième pilote automatique et la deuxième ligne d'instruments avec un capteur de vent de fortune dans le mât, un capteur de vent Ultrasound qui n'est pas très bien calibré. Je ne sais donc pas exactement quel est le vent et d'où il vient.
Tout le reste ne fonctionne plus. Je peux encore allumer quelques consommateurs, comme le watermaker. Je peux démarrer le moteur et faire pivoter la quille. Mais je ne connais pas l'angle de la quille. Il n'est plus affiché. Je dois aussi l'arrêter manuellement. Tous les relais ne fonctionnent plus. L'une des antennes satellites fonctionne encore.
Tout le reste est fichu. Je ne vois pas le foil rake, je n'ai pas de mesures de charge. Tout ce que l'on peut imaginer ne fonctionne plus. Oscar fonctionne encore. AIS : c'est là que mon antenne est tombée du mât. Là aussi, je vais essayer de construire quelque chose. J'ai bien une deuxième antenne à l'arrière, mais la réception n'est pas très bonne. Je vais essayer de la monter plus haut.
En ce qui concerne la performance pure du bateau, j'ai en fait presque toutes les capacités de performance. Il me manque un peu de foil-rake maximal à bâbord. Peut-être un demi-degré. C'est un peu douloureux. Sinon, j'ai tout. Il me manque une voile. Je dois encore réparer mon petit gennaker dans le Pot au noir. En fait, tout va bien.
Peut-être une explication un peu plus détaillée sur notre problème de J2 que j'ai pu résoudre hier dans le mât : En règle générale, les Imoca ont un étai fixe avec une voile d'avant principale, que nous utilisons toujours. Tout le monde attache le J2 en haut et en bas. Lors du dernier Vendée Globe, nous avons eu beaucoup de problèmes de J2, et les gens ont dû beaucoup grimper, ont eu du mal à monter, à le descendre, etc.
J'ai alors discuté avec Antoine Mermod (réd. : président de la classe Imoca) de la nécessité de prévoir un crochet pour pouvoir descendre la voile en cas de problème. Et nous avons obtenu l'autorisation. Il y a donc plus de deux ans, nous avons développé le hook avec lequel nous travaillons depuis. Nous l'avons testé intensivement.
Mais rien n'est comparable au Vendée Globe". Boris Herrmann
Nous avons dit que nous ne l'utiliserions en Vendée que s'il s'avérait fiable. Nous l'avons utilisé la saison dernière. Je crois même que c'était sur la Transat Jacques Vabre. Là-bas, il n'y a pas eu de problème. Mais la Vendée, c'est une plus grosse contrainte pour le bateau. Et là, l'accroche s'est cassée. Bien sûr, l'étai était toujours en place. Donc la voile a simplement glissé le long de l'étai. J'ai remonté la voile avec une drisse, puis je suis monté dans le mât et j'ai amarré la voile.
En théorie, tout est très simple, mais il m'a fallu en quelque sorte trois heures pour tout faire, car sur un bateau seul, tout prend plus de temps. En haut du gréement, j'ai eu un peu de mal à bien faire mon arrimage, à trouver la bonne hauteur pour la voile. Quand je suis descendu, je me suis rendu compte que la voile était trop basse, alors je suis remonté et j'ai trouvé la hauteur optimale. Mission accomplie !
Quelqu'un m'a dit de me secouer comme un animal". Boris Herrmann
Quelqu'un m'a demandé hier comment je faisais pour "décompresser" à la suite d'actions de pression comme la dernière. Je n'ai pas de routine en la matière. J'en ai parlé avec l'équipe. Quelqu'un m'a dit que je devais me secouer comme un animal. Le tremblement lorsque des surprises se produisent. Le meilleur moyen d'évacuer l'adrénaline de mon corps est l'activité physique, le mouvement, la course. Mais je ne peux pas faire ça sur le bateau. Je me suis simplement assis et je me suis endormi assez rapidement. J'ai même appelé quelques personnes. Ça aide aussi un peu.
Vendée Live ! Boris Herrmann s'exprimera ce 12 janvier à partir de 14h30 dans l'émission actuelle du Vendée Globe avec le présentateur Andi Robertson. Le directeur de la course Hubert Lemonnier et le chef de projet Marcus Hutchinson seront également invités. Cliquez ici pour accéder à l'émission.