Arriver dans les dix premiers serait de l'argent, dans les cinq premiers : de l'or" ! Hendrik Lenz s'est fixé un objectif ambitieux avant sa première Mini-Transat. Ses résultats ainsi que sa courbe de forme de cette année le justifient. Lors de la Plastimo Lorient Mini, il avait terminé vingtième avec son Vector 2022 en avril. Peu après, le Düsseldorfois s'est fait remarquer au Pornichet Select en terminant dixième. Lors de la Mini en mai, il a terminé en huitième position après avoir pris un départ prématuré et avoir suivi le peloton avec une demi-heure de retard. Ce n'est qu'après une course très disputée que la pénalité de départ anticipé supplémentaire l'a relégué à la 25e place.
Mais c'est à bord du Puru Transgascogne que Lenz a montré sa classe, en prenant la troisième et la cinquième place sur les deux étapes et en marquant deux points d'exclamation lors du dernier grand test avant la Mini Transat qui s'annonce maintenant. L'homme et son bateau sont en lice pour une place dans le top 10 du classement de la série.
Les conditions pour des débuts réussis de Lenz ne pourraient pas être meilleures. Ce blond originaire de Rhénanie-du-Nord-Westphalie a grandi sur un bateau. Il a vécu pendant 19 ans avec ses parents, un frère et une sœur sur un cargo céréalier transformé dans le port de Düsseldorf. Le père dirigeait un chantier naval, la mère est médecin. "J'ai des souvenirs cool de mon enfance. Nos anniversaires étaient des moments forts. Une vie comme ça, ça soude", dit Lenz, un homme de famille. Aujourd'hui, il a un master en électrotechnique en poche, il est fort en voile et en mental.
Sa carrière de navigateur s'est déroulée de manière classique : il a fait ses premiers pas à l'âge de cinq ans en Opti. Suivirent l'Europe et le 505, puis un titre de champion national en Asso99. Pendant ses études, il a participé à la Bundesliga avec l'équipe de Jan-Philipp Hofmann pour le Düsseldorfer Yacht-Club. L'ingénieur électricien était déjà fasciné par la Mini Transat. "J'étais attiré par cet esprit incomparable, par le contraste entre l'esprit de communauté sur terre et la solitude sur l'eau", explique-t-il pour expliquer sa passion. C'est Lina Rixgens, avec qui Hendrik Lenz naviguait dans le même groupe d'optig lorsqu'il était enfant, qui lui a donné l'idée de participer lui-même à une Mini Transat. "Boah, j'aimerais bien faire ça un jour", a-t-il pensé lors de leur première participation à une Mini Transat en 2017.
Aujourd'hui, il s'investit à fond : "Je suis déjà ambitieux, je ne participe pas à l'aventure pour flâner". Fortement inspiré par l'icône de la voile anglaise Ellen MacArthur, qui a acheté sa première Mini avec l'argent de la cantine scolaire, Hendrik Lenz a transformé ses rêves en actions. Il navigue sur le Vector avec lequel Melwin Fink, troisième de la Mini Transat 2021, avait prévu de disputer sa deuxième course en solo à travers l'Atlantique. Mais Fink n'avait plus le temps d'accumuler les milles de qualification nécessaires.
C'est ce bateau, portant le numéro d'étrave 1085, que Lenz veut maintenant faire traverser avec succès au grand étang. Pour cela, il s'est préparé à La Rochelle avec le groupe d'entraînement du coach François Husson. Déjà ici, Lenz avait remarqué au début : "Je n'étais pas dernier, je pouvais bien suivre". Entre-temps, c'est devenu nettement plus. Lenz, le soliste de Vector, a fait une entrée remarquée dans la phalange des Français et des Maxis, et occupe la septième place du classement de la saison des bateaux de série. Mais il ne veut pas s'en contenter. Lenz est certain qu'une double course de longue distance comme la Mini Transat en deux étapes "exige encore de toutes autres qualités. "Je pense que j'ai une très bonne tête pour cela, je peux bien me ressaisir. Cela pourrait faire la différence".
"À partir de 24 ou 25 nœuds, on écrase tout. Nous avons beaucoup plus de moment de redressement".
Lenz est un miniiste qui a du souffle. Sa maxime en mer est toujours la suivante : "Ne te prends pas la tête, la course est encore longue". Il connaît la qualité du sprint de Paul Cousin, le meilleur de la saison, ou d'Amaury Guerin, le quatrième du classement - tous deux naviguent à la limite de leur maxi de raison. "Ils connaissent leur territoire sur le bout des doigts, ils naviguent encore plus près d'un rocher que je ne le ferais. Je regarde ça, je me dis boah, mais ça ne marche qu'avec la marée. Et seulement pendant 30 minutes", dit Lenz. En même temps, il est convaincu que Paul Cousin offshore "n'est pas tout à fait aussi bon", alors qu'il croit Amaury Guerin capable de tout sur les longues distances. Même la victoire.
Mais ce que Lenz voit aussi, c'est "la fragilité des Maxis". Il raconte que tous les Maxis ont maintenant dû stratifier à nouveau la structure avant la transat. "Donc mettre des membrures : à l'arrière, au milieu et à l'avant, parce qu'ils sont parfois un peu bosselés à la proue", explique Lenz.
Dans l'autre sens, le milieu a aussi Hendrik Lenz comme candidat sérieux au top 10. Dans le petit groupe germanophone composé du dynamique franco-allemand Victor David et du très organisé Thiemo Huuk, David répond sans hésiter à la question du pronostic de vainqueur pour le classement de la série : "Hendrik Lenz !" Il rit en disant cela, car c'est un pronostic audacieux, issu d'un mélange de forte estime pour le compagnon de route et de respect pour la performance de Lenz.
Le loué sait que les acteurs de haut niveau naviguent des maxis. "Avec le Vector, nous sommes quasiment le prochain bateau à avoir aussi une proue large. En plus, il y a encore quelques pogos qui pourraient jouer un rôle". Lenz considère que l'un d'entre eux, comme Victor Le Roy, est très fort, mais que son pogo Verdier est plutôt "un sous-marin". Lenz : "Je pense que la génération des arches rondes va gagner la Transat".
Selon Lenz, les courses de cette saison ont bien mis en évidence les forces et les faiblesses des Maxis et de son propre bateau. "Nos points forts sont le reaching brutal. Je vois une faiblesse pour mon bateau dans la phase de transition au downwind, lorsque le vent se lève à 16-20 nœuds. Ce n'est pas le point fort du Vector. Il faut alors beaucoup jouer pour rester dans le coup". Lenz échange beaucoup avec son allié du Vector, son bon ami et concurrent Niccolo Gamenara. Ils se font mutuellement progresser. Parfois, les deux s'amusent à dire du mal des maxi-gaz. Lenz dit : "Les Maxi coincent l'écoute, bam, on met le pilote automatique et c'est parti. Ils ne regardent même pas la vague. Nous, par contre, nous devons faire attention à ne pas nous garer dans la vague. Ils font tout le poids vers l'arrière. Nous devons voir si nous devons le centrer davantage ou le répartir. Le Vector est nettement plus sensible au poids que le Maxi, plus tolérant dans la houle".
Et les points positifs du Vector ? Hendrik Lenz rit et dit : "À partir de 24, 25 nœuds, on écrase tout. En plus, nous pouvons mettre le grand spi. Nous avons beaucoup plus de moment de redressement, ce qui est décisif sur les parcours de reaching. Cela nous permet aussi d'être plus rapides au vent, dès qu'il y a plus de vent". Et qu'en est-il par vent faible ? "Là, je suis relativement bon", dit simplement Lenz, "une faible brise n'est pas un drame pour moi, je viens d'un lac intérieur". Il aime agir de manière tactique, déployer les virements. Une nouvelle grand-voile, un nouveau spi et l'antifouling avant la course, voilà ce que son budget lui a permis de faire.
Outre son partenaire principal Kruppenbacher, le Düsseldorfois bénéficie également du soutien de Trans-Ocean. "J'ai les bases pour faire quelque chose", dit Lenz avec modestie, comme un mini-voile typique. Lenz cite bien sûr Boris Herrmann comme modèle. "Il a montré jusqu'où on pouvait aller dans la voile". On n'est pas obligé de suivre le même chemin, mais on peut s'en inspirer, dit Lenz. Quant à savoir si et surtout comment son propre parcours dans la voile se poursuivra après la Mini Transat, il n'en a qu'esquissé les contours. Lenz peut s'imaginer une "entrée en douceur" dans la classe Figaro, qui ne serait pas si impitoyable financièrement. Il s'agit d'engagements en double qui permettent d'accéder à moyen terme à la classe exigeante des stars françaises de la course au large.
Mais pour toute planification future, Lenz applique le même principe que celui qu'il applique maintenant dans la Mini Transat sur sa "Monoka" : la course est encore longue.