Tatjana Pokorny
· 16.09.2023
Ce sont des mesures sévères qu'un jury de la Fédération Française de Voile et les organisateurs ont prises dans une affaire de fraude récente à La Solitaire du Figaro. Après avoir vérifié les ordinateurs de bord de tous les Figaro Beneteau 3 dans le port d'arrivée de Piriac-sur-Mer, le jury de la Fédération Française de Voile (FFVoile, équivalent français de la Deutscher Segler-Verband), présidé par Georges Priol, a décidé samedi d'exclure rétroactivement Benoît Tuduri ("Capso - En Cavale") de la course. De plus, Pierre Daniellot ("Team Vendée Formation") a été disqualifié de la deuxième et de la troisième étape de la course.
Les deux navigateurs avaient téléchargé des fichiers Grib (données météorologiques) pendant la course. Ceci est interdit par les règles de classe et fait également appel à la règle 69 de World Sailing, qui traite de l'atteinte à la réputation du sport. Ces décisions ont entraîné une modification correspondante du classement général de la course ainsi que du classement Beneteau pour les "Bizuths" (premiers concurrents) et du trophée Beneteau pour les "Bizuths".
Après un contrôle samedi, les deux bateaux concernés, "Capso - En Cavale" et "Team Vendée Formation", ont fait l'objet d'un rapport de jury. On pouvait y lire : "Les skippers de ces deux bateaux ont téléchargé des fichiers météo pendant la course. Nous avons convoqué ces deux navigateurs et ils se sont présentés devant le jury. Les documents qui nous ont été présentés prouvent qu'ils ont effectivement téléchargé des fichiers".
Pendant l'enquête, le skipper de 'Capso - En Cavale' a admis qu'il avait emporté à bord un deuxième téléphone lui permettant d'utiliser une connexion Internet". (Jury)
Plus loin, on pouvait lire : "Au cours de l'enquête, le skipper de 'Capso - En Cavale' a admis qu'il avait emporté à bord un deuxième téléphone lui permettant d'utiliser une connexion Internet. Cela va absolument à l'encontre de toutes les règles de la course, où les appareils de réception sont interdits à bord". Après son audition par le jury de la FFVoile, Benoît Tuduri sera donc exclu de l'épreuve. Plus loin, le communiqué précise que "compte tenu de la gravité des faits, un rapport sera envoyé par le jury à la FFVoile, ce qui pourrait entraîner des conséquences supplémentaires pour le navigateur".
Le cas de Pierre Daniellot pèse un peu moins lourd aux yeux du jury : en raison du faible nombre de fichiers téléchargés - l'un en Angleterre, l'autre en Vendée, et sans preuve avérée de la présence d'un téléphone à bord - la sanction est moins lourde. Il est disqualifié des étapes 2 et 3. Il recule ainsi de la 9e à la 28e place du classement général, sachant que toute personne disqualifiée lors d'une étape est créditée du temps du dernier, auquel sont ajoutées trois heures.
Les règles de la voile ont été appliquées et ceux qui s'en sont écartés ont été sanctionnés". (Jury)
Dans un communiqué de presse publié dans la soirée, les organisateurs de La Solitaire du Figaro Paprec ont déclaré : "Le principe de la Solitaire du Figaro Paprec est simple : les navigateurs s'affrontent dans des conditions identiques sur des bateaux d'un même type. C'est donc le navigateur qui fait la différence. Les règles de la voile ont été appliquées et ceux qui s'en sont écartés ont été sanctionnés".
Le soir même, Benoît Tuduri s'est adressé à ses camarades de classe et s'est excusé en ces termes dans un groupe WhatsApp :
"Bonjour à tous, aujourd'hui je dois vous avouer une grave erreur de ma part : J'ai triché lors de l'étape 3. J'ai embarqué une carte Sim qui me permettait de consulter des fichiers météo, ce qui m'a conforté dans ma stratégie. Je ne sais pas ce qui m'a pris... Je me suis mis la pression du résultat et je voulais être sûr de réussir cette étape après ce qui s'était passé avant. Je me sens mal d'avoir trahi la confiance de ruer et je m'en veux terriblement.
Je vais à la cérémonie de remise des prix ce soir pour m'excuser publiquement. Tous mes partenaires, mes amis et ma famille ne méritent pas ça. Toute l'organisation, les skippers et les gens de La Solitaire ne le méritent pas non plus. Ce comportement antisportif, auquel j'ai cédé, me donne une belle leçon. Je suis conscient de cette erreur qui a ruiné mes performances sportives. J'en accepte les conséquences et l'exclusion de la course.
J'espère que j'aurai l'occasion de montrer à tout le monde et à moi-même que je suis meilleur que le" (Benoît Tuduri)
Je suis profondément désolé. Je comprends que je vous déçoive beaucoup. Je pense que mes excuses ne changeront rien à ce que j'ai fait. Je l'assume pleinement. J'espère que j'aurai l'occasion de montrer à tout le monde et à moi-même que je vaux mieux que ça. Je suis désolé d'avoir gâché l'ambiance".
Les réactions sur les réseaux sociaux ont été largement indignées et sévères. Par exemple : "Il est important d'être dur avec ces plaisantins ... Le retrait de la licence ne serait pas à exclure. Quand on joue, on doit respecter les règles, sinon on reste chez soi".
Ou encore : "Non seulement cela nuit à une institution de ce sport. L'idée de tricher est également tellement éloignée de l'esprit de la voile et de cette course. C'est insupportable". Ou encore : "Il m'avait envoûté par son audace et ses choix tactiques, mais je suis dégoûté par cette nouvelle ! Il est clair que c'est plus facile avec des données météo régulièrement mises à jour".
Samedi soir (17 septembre), le classement a été modifié suite aux pénalités : Corentin Horeau ("Banque Populaire") reste le vainqueur du classement général devant Basile Bourgnon ("Edenred") et Lois Berrehar ("Skipper Mecif 2022"). La meilleure skipper et la meilleure nouvelle venue parmi tous les "Bizuths" masculins et féminins a été cette année Elodie Bonafous ("Queguiner - La vie en rose"), sixième au classement général. Sanni Beucke, de Strande près de Kiel, a terminé son deuxième Figaro avec la campagne "This Race is Female" à la 27e place après trois étapes.