Samedi de Pentecôte, le soleil brille, un vent de voile modéré souffle. Le meilleur temps pour un pull-over et un pantalon court. De temps en temps, le "Li" gîte tellement que sa proue sous le vent prend l'eau et que la pompe de cale se gargarise. Le bateau "L", un quillard ouvert pour trois personnes, a été construit en 1949 par Abeking & Rasmussen : un bateau de régate classique et élégant, mais aussi un bateau d'après-midi, comme on l'appelait autrefois, avec une coque allongée, de longs porte-à-faux, un franc-bord bas et un gréement haut. Le "Li" réunit ainsi parfaitement ce que représente la Semaine du Rhin dans son ensemble : plaisir et suspense, voile de croisière et action de régate.
Nous filons à toute allure, kilomètre après kilomètre, du port ferroviaire de Duisbourg à Wesel, pendant deux heures et demie. Nous passons devant les rives sablonneuses et arborées du Rhin inférieur, devant les villes, les tours de refroidissement et les grues, devant d'innombrables décors industriels.
Ce sont notamment ces contrastes de paysages qui font l'attrait de la navigation sur le Rhin. Même si le pilote de "Li", Kim Mikkelsen, affirme qu'il ne veut pas d'un bateau à quai ici. "Mais la semaine sur le Rhin, c'est vraiment amusant", dit-il.
La Semaine du Rhin, c'est la plus ancienne, la plus grande et la plus longue régate fluviale, au moins en Europe. Cette année, elle a fêté son centenaire. Le parcours change chaque année. En 1922, par exemple, la course allait d'Andernach à Emmerich. Cela représente plus de deux cents kilomètres ; 52 voiliers étaient présents à l'époque. La course à la voile sur le fleuve remonte même à la fin du siècle dernier : le Kölner Yachtclub, par exemple, a été créé pour l'anniversaire de l'empereur en 1900. A l'époque, le courant était encore dominé par des remorqueurs équipés de machines à vapeur fumantes, et même les grands voiliers ne possédaient pas de moteur auxiliaire. Là où la voile ne suffisait plus, il fallait pagayer.
C'est toujours le cas aujourd'hui, sauf qu'entre-temps, un bateau à moteur est sur place si le vent vient à manquer. Des incidents comme celui des années 20, relaté dans un ancien programme, appartiennent toutefois à l'histoire : "Le départ a été désorganisé en raison de la dérive de fûts de vin de Moselle provenant d'un chaland coulé, car tous les navigateurs étaient occupés à les repêcher". Le bateau ayant le plus de vin à bord a été désigné vainqueur sans autre forme de procès, peut-on lire dans la chronique.
Depuis cette époque, le Rhin s'est rétréci, le courant s'est renforcé, les bateaux à vapeur ont disparu, la plupart des bacs ont été remplacés par des ponts et de nombreuses baies et bras morts se sont ensablés. Aujourd'hui, le paysage est marqué par des porte-conteneurs chargés à bloc, des pétroliers et des croisières fluviales, ainsi que par des cargos de marchandises diverses et des convois remorqués de 240 mètres de long. Ils ont tous la priorité. Et ils ont tous un angle mort qui peut atteindre 500 mètres de long. Il peut donc arriver que deux minutes s'écoulent avant que le plaisancier ne soit vu depuis le pont.
Éviter correctement les bateaux professionnels n'est pas seulement une question de sécurité ou de règles de circulation. Il y a aussi des avantages tactiques. D'une part, il ne faut pas se retrouver dans leur sillage. Mais surtout, l'eau de l'hélice de ceux qui naviguent à contre-courant peut être utilisée pour virer ou pour donner un coup de pouce supplémentaire. En revanche, il faut éviter l'eau de l'hélice de ceux qui descendent. L'effet d'aspiration y est dangereux.
Lors de la Semaine du Rhin, les bateaux naviguent toujours vers l'aval. Le fleuve pousse alors les bateaux à une vitesse de quatre à huit kilomètres par heure en direction de l'arrivée. C'est pourquoi il est possible de naviguer même par temps calme - les anciens navigateurs du Rhin appellent cet art le "stiwweln". Il s'agit de transformer la vitesse du courant en vitesse de croisière, puis en vent. Comme il n'y a pas de triangle de régate ni de parcours up-and-down, mais simplement un peu en aval, le départ est déjà très différent de celui des autres courses. Lorsque le départ est donné à Düsseldorf en direction de Duisbourg, de nombreux navigateurs restent longtemps dans le bassin étroit et peu profond du port, se serrant les uns contre les autres là où il n'y a encore presque pas de courant. Il ne faut surtout pas dériver trop tôt, trop près de la ligne de départ. On se retrouverait alors par-dessus sans s'en rendre compte. La règle générale est la suivante : cinq minutes avant le départ, on peut tranquillement se trouver à 500 mètres de la ligne de départ sur le Rhin.
Les petits croiseurs et les dériveurs dominent le champ des participants, on ne voit guère d'aracers de régate très sophistiqués, les voiles à foils sont déjà rares. En revanche, il y a toujours eu beaucoup de familles, de parents avec enfants et de navigateurs qui ne se battent pas pour chaque mètre avec le couteau entre les dents. La semaine rhénane est plus une sortie commune qu'une compétition acharnée.
Le départ est donné en plusieurs groupes, les plus rapides en premier et ceux dont le yardstick est supérieur à 110 en dernier. Tout ce qui a un yardstick de 118 au maximum peut participer, sinon le peloton s'éparpille trop et deux manches doivent être courues chaque jour. Même ainsi, il peut y avoir dix kilomètres de rivière entre les premiers et les derniers du peloton.
Cette année, 68 bateaux au total étaient inscrits, dont sept Shark 24 et cinq H-Boats, Sailhorses et Dyas, ainsi que trois J 22. Un bateau, le "Madison", un Monas, est même venu de Bâle avec un équipage de quatre personnes pour descendre tout le Rhin. Ce bateau à quille ouverte est en fait un bateau à une seule main avec un foc auto-vireur. Après la semaine rhénane, le "Madison" a encore navigué jusqu'à Amsterdam.
Peter Jonas, quant à lui, a dû abandonner dès la première étape de la Semaine du Rhin, entre Cologne et Düsseldorf. Il avait pris le départ de la course en tant qu'équipier d'un RS Vision, le plus petit bateau de la régate cette année. Mais le dériveur a chaviré, le mât s'est enfoncé dans les graviers et la DLRG a dû le sauver, ainsi que son skipper, lui aussi un peu âgé. Ils ont ensuite abandonné.
"Je ne prends plus de risques", dit l'homme de 67 ans, qui se trouve désormais sur le pont supérieur de l'"Eureka", qui a toujours accompagné la compétition - comme bureau flottant de la régate, comme lieu de couchage et de repas, mais aussi comme bateau de fête. "Je tire mon chapeau à ces deux messieurs", dira plus tard le chef de l'organisation Bernd Deertz lors de la remise des prix - et que personnellement, il "n'aurait pas choisi ce bateau pour la semaine du Rhin". D'un autre côté, des lasers classiques ont déjà participé à la Semaine du Rhin.
49 bateaux ont été classés cette année dans la compétition du "Ruban bleu". La Semaine du Rhin n'a donc pas renoué avec le succès des éditions précédentes, qui avaient rassemblé jusqu'à 140 équipages. Mais ces deux dernières années, l'événement organisé bénévolement a été totalement annulé en raison de la pandémie de Corona. Avant cela, en 2019, il y avait six Beaufort, et jusqu'à neuf dans les rafales ! Le départ se faisait "à vos risques et périls", raconte Helge von der Linden. En tant que co-organisateur, il espérait une centaine de participants, car il faut bien que le tout soit financé. Mais les petits champs ont aussi des avantages, disent les navigateurs : il y a moins de stress partout - dans les ports, lors du grutage, lors du déjeuner et lors de la nuit sur l'"Eureka".
Le fait que le bateau à passagers accompagne désormais les régatiers est un gain de confort. Autrefois, les équipages passaient la nuit à terre dans des gymnases et des granges lorsque leur propre bateau était trop petit. Ils étaient nourris par des canons à goulasch. Désormais, le dortoir se trouve sur le premier pont de l'"Eureka", où les matelas pneumatiques et les matelas de sol sont serrés les uns contre les autres. Seul bémol : il n'y a pas de douches à bord. En revanche, un petit déjeuner et un déjeuner sont servis chaque jour entre deux courses.
En haut, sur le pont, c'est Edwin Bosma qui commande, lui qui a autrefois conduit des pétroliers. Il est à mi-chemin entre le capitaine et le conférencier et assure une excellente ambiance. Remonter et descendre le Rhin avec le pétrolier, c'était un peu ennuyeux. "Maintenant, nous sommes là où il y a la fête !" Il dit de ses collègues bateliers professionnels : "La plupart pensent que les plaisanciers n'ont pas leur place sur le Rhin". Il pense différemment, la semaine du Rhin est pour lui "comme une famille".
Dans cette famille, les tâches sont réparties. L'un pilote le bateau d'accompagnement, d'autres s'occupent des régates et d'autres encore veillent à ce que tout se passe bien à terre. Katja Polzenberg, la présidente de l'association des régatiers qui organise tout cela, conduit par exemple des équipages de A à B avec sa voiture pendant des heures pour qu'à la fin, toutes les remorques, les voitures et les navigateurs soient réunis au même endroit.
Le "Li", par exemple, le plus vieux bateau du champ, est normalement amarré au Baldeneysee à Essen. Dès le début de la Semaine du Rhin, il a quelque peu souffert : un putting - le bois était déjà un peu pourri - a été arraché. Le mât n'est plus aussi solide qu'il devrait l'être. "Le génois doit donc rester à l'intérieur, le spi ne peut sortir que s'il n'y a pas trop de vent", explique le skipper Marcel Teriete. Il est constructeur de bateaux à Bremerhaven et frère du propriétaire Jürgen Teriete ; ensemble, ils ont déjà totalement rénové le bateau. "Li' est volontaire, têtu et magnifique", dit Marcel Teriete qui le qualifie de "diva". Le premier jour, il s'est échoué près d'un épi, le propriétaire a dû descendre dans la rivière en sous-vêtements pour libérer le bateau.
A Wesel, un chanteur se produit le soir et chante des chansons de Hans Albers à côté du stand de bière, puis un cover band prend le relais en imitant des tubes d'autrefois. Quelques personnes dansent dessus, c'est un peu comme une fête de la ville. Lorsque le soleil se couche, il plonge le ciel dans une lumière rouge-orange chatoyante. Helge von der Linden, spécialiste des peintures, vernis et résines à titre principal et président du Yacht-Club Wesel à titre secondaire, sera alors encore en route. Il veille de nuit sur l'"Eureka". Pendant la journée, il doit répondre à des questions techniques, aider les plaisanciers qui ont besoin de quelque outil que ce soit et serrer la main des maires au bord de la route qui souhaitent prononcer un mot de bienvenue. Il coordonne également le DLRG, la police des eaux et la direction des régates. Il n'a pas le temps de faire de la voile, même si von der Linden a souvent participé à la Semaine du Rhin. En revanche, son Blackbird "Fritz" est maintenant en tête de la course, un dériveur sportif et élancé à quille relevable que son entreprise a construit un jour lors d'un salon.
Le lendemain matin, nous partons de Wesel et parcourons 20 kilomètres jusqu'à Rees. L'après-midi, des intempéries menacent. Une course est annulée, mais le dernier jour, il faut naviguer plus longtemps : Emmerich jusqu'à Arnhem, soit plus de 40 kilomètres.
Pour l'étape vers Rees, nous embarquons sur le Varianta VA 18 "St. George". Le skipper Jochen Kiel, un ingénieur de l'industrie automobile, participe à la Semaine du Rhin depuis le milieu des années 90, tantôt sur un Dyas, un Kielzugvogel ou un Shark 24. Des vaches meuglent sur la rive tandis que nous bouclons l'étape en trois quarts d'heure. Depuis qu'il a quitté le décor industriel de Duisbourg, le Rhin est désormais très vert des deux côtés. Dans les virages, il faut s'écarter du chemin le plus court, chercher le chemin vers le milieu du courant, donc naviguer plus longtemps pour avancer plus vite. À la fin de la régate, le "St. George" se classera 34e. "Nous en sommes satisfaits", déclare Jochen Kiel. "Ce qui compte pour nous, c'est le plaisir de l'événement, le super parcours et la rencontre avec toutes ces personnes sympathiques".
La skipper Katrin et l'équipier Jens Priewe remportent une victoire sans appel sur leur dériveur en H "Tekitisi" : il leur faut à peine 15 heures pour parcourir les 185 kilomètres de la régate - et ils peuvent se réjouir de recevoir le "ruban bleu". C'est l'équipage de trois J 22 "7Sitzer" qui a remporté le prix.
Néanmoins, il y a encore quelques secondes de finish sur la ligne d'arrivée à Arnhem. "Il faut en profiter", dit Helge von der Linden. Et il sourit, satisfait.