La navigation au long coursAttention au piège fiscal !

Pascal Schürmann

 · 19.10.2025

La navigation au long cours : Attention au piège fiscal !Photo : privat
Le Garcia, battant pavillon belge, s'est retrouvé dans le collimateur du fisc français lorsqu'il est rentré dans l'UE après une longue navigation en eaux bleues.

Si vous retournez dans les eaux européennes avec un voilier après une longue période, vous devez vous attendre à recevoir la visite des douanes. En effet, selon la loi, la TVA est presque toujours due sur le bateau à l'entrée. Cela peut vite devenir très cher. Toutefois, la taxe n'est apparemment pas perçue partout. Dans un pays en revanche, elle l'est, comme le montre un cas récent.

Stéphane Dubois (nom modifié par la rédaction) est très en colère. Le Belge est, selon lui, confronté à des demandes fiscales injustifiées de la part des autorités fiscales françaises. Il a raconté à la rédaction de YACHT comment il en est arrivé là.

Les douanes lui demandent plusieurs dizaines de milliers d'euros de TVA à verser au Trésor public français pour son bateau. Pourtant, il y a de nombreuses années, la TVA a déjà été payée de manière tout à fait régulière pour le yacht de Dubois. Pourquoi donc la payer une deuxième fois ?

Taxe déjà payée lors de l'achat il y a 15 ans

Le problème : le bateau, un yacht de 19 mètres en eau bleue du chantier naval français Garcia, a fait le tour du monde ces dernières années avec ses premiers propriétaires. En 2010, ils avaient acheté le bateau neuf et, dans le cadre de cette acquisition, ils avaient également payé la TVA en France. Deux ans plus tard, ils ont quitté les eaux de l'UE pour entamer leur long voyage. Ils ont ensuite mis le cap sur la Martinique, où ils ont terminé leur tour du monde.

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Dans les années qui ont suivi, le navire est resté dans l'État des Caraïbes, à l'exception de quelques croisières et réparations sur des îles voisines. Important dans ce contexte : la Martinique est un département français d'outre-mer et fait donc partie de l'UE.

Il y a deux ans, Stéphane Dubois a découvert le yacht des circumnavigateurs, qui avait été mis en vente entre-temps, et l'a acheté. Il a ramené le bateau en Europe en traversant l'Atlantique. Le premier port de l'UE qu'il a visité est Baiona, en Espagne. C'est là qu'il a embarqué. Les douanes espagnoles ont inspecté le navire et confirmé son entrée dans l'UE. Les fonctionnaires n'ont pas mentionné la TVA qui aurait dû être payée en Espagne.

Perte du statut de membre de l'UE

Insouciant, Dubois a poursuivi sa croisière. Prochain port : La Rochelle en France. Là aussi, les douanes sont montées à bord et, à la grande surprise du propriétaire, ont émis un avis d'imposition salé. Pour calculer le montant de la taxe, ils se sont basés sur la valeur actuelle du bateau. Les douaniers l'ont calculée sur la base du prix d'achat que Dubois venait de payer aux anciens propriétaires.

"Étant donné que le navire a été en dehors des eaux de l'UE pendant plus de trois ans sans interruption au cours de son tour du monde avec ses premiers propriétaires, il avait perdu son statut de marchandise communautaire conformément aux dispositions fiscales en vigueur dans toute l'UE", explique Dubois. "Il est donc traité par les douanes comme n'importe quel autre bien importé dans l'UE depuis l'extérieur".

L'État encaisse plusieurs fois

Cela signifie que la TVA est prélevée en plus des droits de douane. Le montant de la TVA dépend de la valeur de la marchandise et du taux d'imposition du pays dans lequel la marchandise est importée en premier lieu ou auquel elle est destinée.

Le fait que la TVA ait déjà été payée dans l'UE par le passé, comme dans le cas de Garcia, ne joue aucun rôle. "Mais ce n'est qu'un aspect que je trouve injuste dans cette affaire. Car même si je paie à nouveau la taxe, les premiers propriétaires ne récupèrent pas la taxe qu'ils ont déjà payée en 2010", explique Dubois. "Au final, l'État encaisse donc deux fois pour le même produit !"

Enchaîné en France

D'un point de vue formel, ce n'est pas la TVA qui est prélevée lors de l'importation de marchandises, mais la taxe sur le chiffre d'affaires à l'importation. Le taux d'imposition est toutefois le même pour les deux.

Ce qui énerve le Belge, c'est que "d'autres pays ferment les yeux sur un dépassement de la période de trois ans pouvant aller jusqu'à six mois et ne dénient pas au bateau son caractère de marchandise communautaire. D'après les journaux de bord des anciens propriétaires, mon Garcia a passé trois ans et cinq mois en dehors des eaux de l'UE, et pourtant les autorités fiscales françaises s'obstinent maintenant à le taxer", déplore Dubois.

Lorsqu'il est arrivé à La Rochelle avec le bateau en 2023, les douanes l'auraient enchaîné. J'ai dû déposer une caution équivalente à la taxe. Ce n'est que lorsque cela a été fait que j'ai pu continuer à naviguer", raconte le Belge. Depuis, il conteste l'avis d'imposition. Avec un succès mitigé jusqu'à présent.

Taux d'imposition plus bas dans les départements d'outre-mer

Au moins, les autorités sont prêtes à déduire la taxe théoriquement due lors de l'entrée du bateau en Martinique en 2016. En fait, c'est une excellente concession. En Martinique, comme dans tous les départements français d'outre-mer, le taux de TVA est assez faible (8,5 %). Il ne reste donc "que" 11,5 points de pourcentage de différence avec le taux d'imposition français de 20 pour cent.

Mais il y a plusieurs problèmes : les départements d'outre-mer ne font officiellement pas partie du territoire fiscal de l'UE. C'est pourquoi le type d'imposition sur la différence appliqué par la France n'est ancré nulle part dans le droit fiscal de l'UE. En ce qui concerne le Garcia, le prochain pays de l'UE dans lequel le yacht entrera pourrait donc contester l'imposition sur la différence française et la corriger au détriment de Stéphane Dubois.

Certains pays sont plus laxistes en matière de fiscalité

Plus problématique encore : les premiers propriétaires n'avaient apparemment pas payé de taxe d'importation à leur arrivée en Martinique en 2016. Comme plus tard en Espagne, les autorités y avaient sans doute renoncé ou avaient tout simplement omis de la percevoir.

"L'UE a tout simplement oublié de prendre en compte les intérêts spécifiques de la navigation de plaisance dans sa législation fiscale", s'indigne Stéphane Dubois. Il demande aux associations maritimes locales de faire pression sur les politiques pour qu'ils se penchent sur le problème. "On ne peut quand même pas mettre sur le même plan un bateau utilisé comme habitation et comme véhicule de voyage et n'importe quelle marchandise importée dans l'UE".

Les règles fiscales de l'UE sont un obstacle au commerce pour les courtiers en yachts

C'est également l'avis de Jean-Paul Bahuaud. Il vend depuis de nombreuses années des yachts d'occasion en Guadeloupe. Cette île des Caraïbes est également un département français. "Beaucoup de nos clients qui achètent un bateau ici chez nous et veulent le ramener en Europe ont des ennuis avec les douanes". Bahuaud plaide pour que le statut des départements d'outre-mer soit rapidement modifié et que le territoire fiscal de l'UE leur soit étendu.

"Sinon, c'est le hasard qui détermine si l'on doit ou non passer à la caisse lors de la réimportation d'un bateau dans les eaux de l'UE", explique le courtier en yachts. Des pays comme l'Espagne ou le Portugal sont connus pour ne pas se préoccuper de cette question. D'autres États sont en revanche connus pour leur approche rigide. C'est notamment le cas de l'Italie. Aujourd'hui, la France semble également désireuse de recouvrer impitoyablement les dettes fiscales des plaisanciers.

Le litige fiscal a atterri au ministère français

Stéphane Dubois veut en tout cas continuer à se battre pour ce qu'il considère comme une plus grande justice fiscale pour les acheteurs de bateaux et les navigateurs au long cours, ainsi que pour mettre fin à l'incertitude qui pèse sur les navigateurs lorsqu'ils reviennent dans l'UE. Après tout, il n'est pas rare que le yacht soit le seul bien que possèdent de nombreux marins de retour au pays après de nombreuses années en mer. Ils n'ont souvent pas les moyens de faire face à une lourde dette fiscale.

Dubois : "Mon cas est maintenant entre les mains de la commission d'arbitrage du ministère français de l'Économie et des Finances. J'espère que j'y trouverai de la compréhension pour nous, les plaisanciers".

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