Il y a un peu plus de dix ans, Eric Bruneel, navigateur hauturier français et expert en multicoques, a présenté sa vision d'un nouveau bateau de croisière moderne, le Neel 45. L'idée : combiner les avantages d'un catamaran de croisière confortable et spacieux avec les caractéristiques de navigation performantes d'un trimaran. A l'époque, peu de gens voulaient croire au succès de ce projet original.
Aujourd'hui, tous les sceptiques devraient être détrompés. Le chantier naval a construit plus de 100 grands trimarans au cours de sa première décennie d'existence. Pour un produit de niche avéré, cela peut déjà être considéré comme un succès honorable. Et Neel-Trimarans ne connaît pas de répit : Ces dernières années, le développement des produits s'est accéléré.
Avec le Neel 51 le chantier naval a livré un bateau dont la conception se rapproche du catamaran de croisière traditionnel, car les coques latérales sont également aménagées pour être habitables et directement couplées au salon. En 2018, le bateau a reçu le titre de yacht européen de l'année. Le bateau présenté en 2020 est un peu plus petit. Neel 47 de l'extérieur. Chez lui aussi, les coques extérieures sont habitables, mais on ne peut y accéder que par des descentes séparées.
Avec le Neel 43, le chantier naval est revenu en 2021 sur le concept du modèle d'origine Neel 45, que nous avions présenté pour la première fois dans YACHT 9/2013 comme "bateau spécial". En bref, cela signifie trois coques qui servent ensemble de plateforme, sur lesquelles est posée une grande cabine d'une largeur maximale.
Vivre sur un seul niveau était le thème à l'époque et l'est encore aujourd'hui avec le nouveau bateau. En revanche, les coques elles-mêmes ne sont pas prévues pour servir d'espace de vie, mais servent surtout d'espaces de rangement et pour l'installation de la technique de bord.
Avec le Neel 43, le chantier naval souhaite exploiter de manière encore plus conséquente le boom qui anime depuis longtemps le segment des multicoques. Pour ce faire, les capacités de production déjà accrues du constructeur de trimarans dans l'ouest de la France ont encore été considérablement augmentées. Eric Bruneel a acheté des surfaces de production supplémentaires pour le site de l'entreprise à La Rochelle. Le dernier et le plus petit modèle y est désormais construit sur une chaîne de montage capable de produire 22 unités par an. Avec une production totale de 35 bateaux par an, il est clair que le nouveau Tri doit devenir le best-seller de la marque.
Le chantier naval n'a pas à craindre la concurrence. Il existe certes de grands trimarans de Dragonfly ou Rapido, également adaptés à la navigation. Par rapport au Neel, ils offrent des avantages dans les ports, car leurs flotteurs sont pivotants ou escamotables et leur largeur peut être réduite. Leur conception est toutefois différente. L'accent est mis sur les bonnes caractéristiques de navigation, mais en termes d'espace, ils ne sont pas aussi performants que les Neel.
Les catamarans de croisière conventionnels offrent certes au moins autant d'espace, voire beaucoup plus. Toutefois, les deux coques, généralement lourdes et plutôt lourdes, sont moins performantes et moins sportives que le Neel 43. Ce dernier est donc une sorte d'hybride : Il est plus rapide que la plupart des catas et plus confortable que les tris plus performants.
Il a pu démontrer son potentiel lors du test YACHT dans la baie de La Rochelle. Les conditions étaient parfaites : entre 15 et 18 nœuds de vent, avec un peu de mer et environ un mètre de hauteur de vagues.
Le bateau de test, le numéro 1, est équipé de manière standard avec un génois qui se chevauche à 115% et des lattes modérément déployées. Avec ce type de voilure, le Neel 43 peut virer de 90 degrés, ce qui est déjà respectable pour un multicoque. Mais ce qui est plus remarquable, c'est la vitesse au vent : le trimaran affiche une moyenne de 8,0 nœuds. Cela promet de bonnes distances à parcourir, même lors de longues traversées contre le vent.
Le bateau est très amusant sur les parcours vent arrière avec gennaker ou code zéro. Non seulement en raison de sa vitesse encore plus élevée, qui atteint parfois des valeurs à deux chiffres, mais aussi parce que le trimaran, avec un seul safran sur la coque centrale, se laisse diriger très activement et avec beaucoup de sensibilité. De plus, il se montre étonnamment réactif - une qualité qui fait trop souvent défaut aux catamarans de croisière en comparaison.
Les virements de bord doivent cependant être effectués rapidement, car le Neel, avec ses trois coques, s'arrête assez rapidement au moment de l'accostage. Une fois "coincé" dans le vent, il ne reste plus qu'à tenir le génois à l'arrière pour reprendre le cap, ou à utiliser la machine. Cela peut arriver rapidement.
Bien que les écoutes de la grand-voile et du génois ainsi que tous les cordages de réglage et les drisses soient dirigés directement devant le poste de pilotage, la manipulation du génois qui se chevauche est exigeante pour les solitaires et demande de la pratique. Le cockpit de pilotage est toutefois suffisamment grand pour que deux personnes puissent y travailler sans encombre.
La construction est l'œuvre de Marc Lombard. Les coques latérales élancées sont légèrement plus courtes que la coque centrale, et elles disposent d'une carène avec un ressaut prononcé. Lombard veut ainsi que le Neel soit stable sur les trois coques dans le port et ne bascule pas sur le côté, comme le font souvent les trimarans de course. En même temps, la ligne de flottaison doit rester aussi courte que possible et donc la surface mouillée réduite. Sous voile, la géométrie est conçue pour que le bateau gîte toujours légèrement au vent et que le flotteur sorte durablement de l'eau au vent.
Ainsi, le Neel 43 navigue avec une belle rigidité et glisse presque sans résistance perceptible dans les vagues grâce à ses étraves négatives taillées à la serpe dans le style Wavepiercer ; les mouvements de roulis dans la mer, souvent perceptibles sur les grands skates de croisière, disparaissent presque complètement. Le bateau donne plutôt l'impression de se déplacer comme un monocoque.
Il y a toutefois un point faible : comme les coques sont relativement proches les unes des autres, la mer clapote littéralement entre les flancs lorsque le bateau avance rapidement dans le tunnel étroit. Il n'est pas rare qu'une véritable fontaine d'eau s'écoule de l'arrière jusque dans le cockpit extérieur, où l'on pourrait sinon s'asseoir confortablement et se détendre en étant bien protégé. Les concepteurs de Neel sont conscients de cet état de fait et travaillent déjà à des solutions avec des déflecteurs d'eau flexibles en tissu entre les parties arrière très saillantes.
Le chantier naval construit toutes les pièces de ses trimarans en sandwich selon un procédé d'infusion sous vide coûteux, mais qui permet d'économiser du poids. Avec le nouveau Neel 43, le chantier naval change également les matériaux utilisés et mise pour la première fois sur des alternatives plus durables. Dans la mesure du possible, les composants sont désormais construits avec des fibres de lin au lieu de fibres de verre ; le matériau d'âme est du liège naturel ou des plaques de mousse en PET recyclé.
En matière de sécurité, Neel va également plus loin que les autres constructeurs de bateaux. Les trois coques disposent chacune d'un crash box à l'avant et sont en outre cloisonnées à plusieurs reprises. Ses trimarans doivent être insubmersibles en toutes circonstances, assure le chef du chantier naval Eric Bruneel.
Qualifier l'aménagement intérieur de confortable ou même d'accueillant serait une exagération. Ce qui domine dans le salon, ce sont les surfaces blanches brillantes des coques intérieures presque continues. Il n'y a que peu de placages en bois et uniquement dans la zone de la cuisine intégrée sur le côté du salon. Tout le reste est en plastique : Du plastique - certes joliment réalisé et visiblement bien intégré, mais pas particulièrement chaleureux non plus.
D'un autre côté, la sobriété de l'aménagement s'accorde bien avec l'intérieur clair, ouvert et presque loft. On peut tout à fait apprécier l'aspect moderne et l'ambiance jeune. L'agencement est en revanche particulier, car il est difficilement comparable.
Pour l'essentiel, les différents espaces de vie et fonctionnels se répartissent sur une surface ouverte. Seule la cabine du propriétaire, à tribord, est séparée, mais elle reste tout de même couplée visuellement au salon grâce à une longue rangée de fenêtres. Des rideaux assurent l'intimité si nécessaire. La deuxième couchette double à bâbord est en revanche ouverte et intégrée au salon. Cette zone ne peut être séparée que par des rideaux et peut par exemple servir de couchette pour une petite sieste, de couchette de pilotage lors de longues traversées ou d'aire de jeu pour les enfants. De ce point de vue, il s'agit d'une idée simple mais intelligente.
Dans la partie avant de la coque centrale, le Neel 43 offre en plus une cabine double qui peut être séparée par une porte coulissante ; mais c'est plutôt un quartier de fortune. En tant que module en PRV entièrement fermé et de couleur blanche, la cabine a le charme d'un réfrigérateur. De plus, la surface de couchage, avec une largeur d'épaules de seulement 1,25 mètre, est à peine adaptée à deux adultes. Des coussins peuvent être insérés dans le coqueron avant des coques extérieures pour servir de couchettes supplémentaires. Mais le confort de ces "cabines" ne répond plus aux exigences, même les plus modestes.
En alternative et moyennant un supplément, les propriétaires peuvent commander la table de salon en version abaissable. Avec des coussins d'appoint, le canapé en L peut ainsi être transformé en double couchette. L'ambiance y est tout de même un peu plus confortable que dans les cabines, mais la proximité spatiale et acoustique avec la couchette ouverte à bâbord reste un inconvénient. Pour plus de quatre à six personnes au maximum, le Neel n'est pas à recommander sans réserve - notamment parce qu'il n'y a qu'une seule salle d'eau, qui plus est relativement petite, et qu'elle ne dispose pas d'un compartiment douche séparé, ce qui est aujourd'hui courant pour un bateau de croisière de cette taille. En comparaison, les bateaux de croisière de même longueur et de même largeur, comme le Leopard 42, disposent de trois ou quatre cabines doubles avec chacune leur propre salle d'eau et, la plupart du temps, des douches séparées.
Le concept Neel offre beaucoup plus d'espace à la navigation qui, avec son électronique de bord très complète, fait presque penser à une véritable passerelle de navigation. On y est assis très confortablement sur une longue banquette de type chaise longue, avec vue dans le sens de la marche et sur les côtés. La télécommande du pilote automatique permet également de diriger le Neel 43 de l'intérieur, un deuxième levier de commande du moteur est disponible sur demande.
La cuisine est une longue ligne latérale qui remplit sa fonction. Grâce aux couvercles au-dessus du double évier, la surface de travail est suffisamment grande et les espaces de rangement ne manquent pas, du moins ici. Pour le reste de l'aménagement intérieur, en revanche, l'offre de rangements et de tiroirs est maigre. Au lieu d'armoires bien rangées ou de nids d'hirondelles fixes, Neel se contente d'installer des sacs en tissu pour le petit matériel. Eric Bruneel argumente en faveur d'un gain de poids, ce qui joue sans aucun doute un rôle pour les trimarans de course pure. En revanche, pour une orientation croisière, l'absence quasi-totale d'espaces de rangement dans la partie habitable est un véritable handicap.
Une trappe dans le plancher du salon donne accès au grand local technique de la coque centrale, dont l'accès est limité. Toute la technique de bord, y compris les réservoirs en acier inoxydable pour l'eau douce et le carburant, y est installée très proprement et est également facilement accessible. Le chantier naval travaille actuellement sur des alternatives possibles au moteur Volvo Penta de 50 CV. Il serait par exemple possible d'utiliser un système hybride ou même une propulsion entièrement électrique. Les solutions ne sont toutefois pas encore finalisées pour le Neel 43 et ne sont donc pas encore mentionnées comme option.
Sa position conceptuelle unique sur le marché, ses caractéristiques de navigation vives et son prix rendent le Neel 43 intéressant pour les plaisanciers ambitieux. Il ne demande de véritables compromis qu'en ce qui concerne l'offre limitée de couchettes et le manque d'espaces de rangement dans le salon et les cabines.
Sandwich en fibre de verre avec âme en mousse PET. Toutes les pièces sont construites par infusion sous vide. Renforts de la coque en fibre de carbone
11/2023, comment les prix affichés sont définis, vous trouverez ici !
Neel-Trimarans, La Rochelle (France) ; www.neel-trimarans.com
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Le concept original du Neel 43 exige quelques compromis, mais il en résulte un ensemble séduisant. L'aménagement semble austère et l'est effectivement. En revanche, le Tri brille par ses qualités de navigation et son prix attractif.
Cet article a été publié pour la première fois dans YACHT 18/2021 et a été mis à jour pour cette version en ligne.